Il faut réhabiliter le médecin en tant qu’entrepreneur

A l’origine des cliniques privées il y a des médecins. On voit que le modèle de gestion indépendante a trouvé ses limites aujourd’hui, et les cliniques sont progressivement amenées à se regrouper ; mais dans le même temps, une remise en question du système actuel s’impose car il est déresponsabilisant pour le médecin : les tutelles ne les entendent pas puisqu’elles contractent directement avec les établissements de santé. Pour renverser cette tendance, le médecin doit retrouver le sens de l’entrepreneuriat, en développant des modèles innovants.

Jean-Luc Baron est chirurgien à la clinique Clémentville de Montpellier et président de la Conférence nationale des présidents de CME de l’hospitalisation privée. Selon lui, le médecin a tout intérêt à redevenir un véritable entrepreneur, et ce pour deux raisons principales.

Premièrement, les professionnels de santé qui officient en clinique sont dans une certaine mesure coupés contractuellement des tutelles, notamment des ARS qui passent des contrats avec les établissements, ou les groupements d’établissements, ce qui leur évite de multiplier les interlocuteurs.
En cas de sanction pour non-respect des termes des CPOM (contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens), le professionnel de santé n’est pas concerné directement, l’ARS n’ayant pas contracté avec lui, la sanction tombera forcément sur la clinique. Par ailleurs, en raison de la pénurie actuelle de médecins qui choisissent l’exercice libéral, la clinique n’a aucun intérêt à dénoncer le contrat qu’elle a passé avec ses praticiens s’ils ne respectent pas les objectifs qui s’imposent à elle.
Pour les prescriptions (médicaments, transports, actes pertinents), à défaut de contracter avec chaque médecin individuellement – ce qui serait ingérable -, les tutelles auraient donc tout intérêt à avoir comme interlocuteurs des entreprises regroupant des médecins.
Ainsi, pour responsabiliser les médecins face à leurs objectifs, il faut leur permettre de s’organiser en structures de taille suffisante, au-delà des SCP et des SEL qui existent déjà.

Deuxièmement, le système actuel est peu attractif si on considère les demandes et les besoins des  jeunes. Formés dans les hôpitaux publics, ils sont entourés et, dans une certaine mesure, rassurés  par l’intégration à des équipes médicales alors que dans les cliniques privées, l’exercice est beaucoup plus individuel avec une responsabilité plus personnelle.
L’organisation des médecins en entreprise permettrait aux jeunes de s’insérer dans des structures où ils pourraient « faire carrière »  et s’appuyer sur le modèle de médecins plus expérimentés.

Ces entreprises de « services » – que l’on peut imaginer par spécialité et sur un territoire donné –  auraient pour vocation d’organiser les éventuelles délégations, voire des transferts de tâches… et contractualiser avec les ARS sur des objectifs de qualité des soins, de pertinence des actes, d’accessibilité…

Pour développer à nouveau l’esprit d’entreprise chez les médecins, il faut évidemment trouver une articulation avec les cliniques pour qu’elles ne deviennent pas uniquement des murs dans lesquels ils  « loueraient » des salles ou des plateaux techniques. Il faut particulièrement veiller à ne pas multiplier les coûts entre l’établissement et l’entreprise médicale.
Il y a donc un nouveau modèle à construire basé sur les prestations et le savoir-faire de sociétés de services constituées de médecins. C’est un fonctionnement qui fait ses premiers pas dans le domaine de la médecine de ville, notamment dans les territoires difficiles, à travers les Maisons de santé. La refonte de la permanence des soins est un bon sujet pour commencer à développer ce concept.