3 questions à Vincent Vesselle, directeur de la Polyclinique Saint-Côme à Compiègne

3 questions à Vincent Vesselle, directeur de la Polyclinique Saint-Côme à Compiègne.

Comment avez-vous réagi à l’arrivée de TF1 dans votre établissement ?
Nous avons reçu un coup de téléphone du vice-président du syndicat Le Bloc, le dimanche matin : TF1 était à la recherche d’un établissement indépendant à proximité de Paris ayant un service d’urgences pour communiquer sur la grève des praticiens. La situation était délicate, car la FHP venait de se retirer de la grève. Nous avons toutefois donné notre accord car nous avons voulu montrer notre solidarité avec le mouvement des praticiens qui était très suivi chez nous.Nous avons ensuite été contactés par l’équipe de TF1 dimanche en fin de matinée pour organiser leur venue. Nous avons, dès le dimanche après midi, prévenu deux de nos médecins pour qu’ils puissent se libérer lundi matin et pour qu’ils aient le temps de préparer leurs argumentaires en lien avec leurs syndicats médicaux. Ils sont arrivés dans notre établissement le lundi à 8h30. L’équipe était réduite : une journaliste, un caméraman et un preneur de son.

Avez-vous été surpris par le déroulement du travail des journalistes ?
J’ai été extrêmement surpris de la méconnaissance de la journaliste du secteur privé de la santé. Elle pensait, par exemple, que les médecins étaient tous salariés, que l’établissement percevait les dépassements d’honoraires… En échangeant avec cette équipe je me suis aperçu que beaucoup de clichés étaient présents dans leur perception du sujet. J’ai trouvé cela très inquiétant de voir que les journalistes qui ont pour mission d’informer le grand public sur une chaîne nationale aient une vision complétement déformée de la réalité de notre métier, de nos missions et de nos modes de fonctionnement. J’ai donc débuté mon accueil par une heure dans mon bureau, pour bien leur expliquer le fonctionnement de notre secteur et de nos liens avec la médecine libérale. Pour leur reportage d’environ une minute ils voulaient pouvoir interviewer au moins un médecin, un patient et avoir des vues sur un plateau technique. Je leur ai donc proposé de rencontrer les deux médecins (un gynécologue et un urgentiste) que nous avions prévenus, et d’avoir accès aux urgences et au bloc opératoire. Ils ont donc rencontré ces deux médecins et avant de les filmer la journaliste a été très franche et correcte en les prévenant qu’ils n’allaient retenir que des parties de l’interview, compte tenu de la durée limitée du reportage. Elle leur a conseillé d’être vigilants sur l’importance des mots utilisés car le grand public pouvait rapidement faire des amalgames. A l’issue des séquences tournées je leur ai mis un bureau à disposition afin qu’ils puissent préparer leur reportage et l’envoyer à la rédaction pour 12h30. L’exercice du passage devant une caméra reste toutefois très perturbant même pour des personnes qui sont habituellement à l‘aise.

Qu’est ce qu’il vous semble important de prendre en compte ?
Étant donné les échanges avec l’équipe et le peu de temps consacré au reportage, nous avons vite compris qu’ils ne voulaient et ne pouvaient pas rentrer dans les détails des revendications des médecins et des cliniques. Il fallait donc pouvoir être extrêmement succinct sur les idées à faire passer. Iniquité de traitement entre le public et le privé – valorisation des missions de service public -, réquisitions des médecins ce qui démontrait qu’on avait besoin du privé pour assurer les soins à la population. Il ressort de ce reportage que certains messages sont passés, mais malgré tout la journaliste a fait une erreur d’interprétation dans son commentaire en indiquant « Les cliniques ont plus de charges, ce qui explique les dépassements d’honoraires » ; la problématique est que la journaliste n’a pas pris la peine de revenir vers nous avant d’envoyer son reportage et nous n’avons pas pu corriger cette erreur. Même si le but est de pouvoir faire parler de nos problèmes ; au final, on ressort avec un sentiment de frustration car nos problèmes sont survolés alors qu’il y aurait tellement à dire sur les aberrations de notre système de santé et sur la défense de notre profession. Cela démontre aussi que nous avons encore un gros travail de communication à faire sur notre métier et notre secteur au niveau syndical. Mais les petits ruisseaux font les grandes rivières…