Interview de Luc Ferry, Philosophe

La croissance, tout le monde l’attend mais Luc Ferry est certain qu’elle n’arrivera pas en relançant la demande des consommateurs mais en boostant l’innovation. «  L’argent n’est pas fléché, relancer la demande est stupide. Ce qui tire la croissance, c’est bien l’innovation » martelait-il jeudi soir à la conférence qu’il tenait à l’invitation du C2DS à Paris. Sauf que l’innovation se développe principalement aux Etats-Unis… et pas en France. Nombre de philosophes ou essayistes attirent déjà notre attention sur le très vif intérêt que les GAFA (Google, Apple, Facebook,  Amazon) portent au secteur de la santé et sur les investissements financiers colossaux qui y sont consacrés. D’une « médecine réparatrice »,  qui visait à « restaurer une harmonie perdue » nous sommes passés à « une médecine augmentative » grâce aux révolutions des NBIC rappelait Luc Ferry.

Selon vous quels sont les freins que la France rencontre concernant l’innovation ?

Selon moi, et d’un point de vue strictement philosophique, les freins sont de deux ordres.

Le premier est religieux : c’est le fruit de notre culture catholique profonde. Nous avons une théologie de la souffrance qui nous configure à la passion du Christ. La souffrance est glorifiée comme vecteur de salut.

Le deuxième frein est notre surmoi catholique et républicain très hostile  à l’innovation.  Pour un Juif ou un Grec, le scandale, c’est la misère, et la richesse, si vous êtes un type bien, est ce qui vous permet de faire le bien. Pour les catholiques, la richesse est un obstacle, elle va vous barrer les portes du paradis.

Que pensez vous de la loi de Santé ?

La loi de Santé ne va pas aider l’innovation. Sans faire de politique politicienne, aujourd’hui, on a un gouvernement qui prend des mesures, qui, pour la gauche, sont des mesures de droite. Il est constamment obligé de compenser cette image par des mesures symboliques de gauche. Il faut donc se faire pardonner une politique économique plutôt de droite par des grigris de gauche.

Quelle serait une action urgente à mener ?

Le sentiment du mal-être au travail croît de manière exponentielle dans nos sociétés occidentales. C’est un levier pour faire bouger les politiques. Il faut réfléchir à 10 ans ou à 15 ans.