Olivier Toma, fondateur de Primum Non Nocere et du Comité pour le développement durable en santé (C2DS).

« Le coût du durable est moins cher que le coût du non durable. »

En amont de la semaine européenne du développement durable qui démarre le 30 mai et de l’Agora, séminaire annuel du C2DS le 22 mai, quelles évolutions constatez-vous dans le secteur hospitalier ?

La décennie 1999-2009 a été la mise en place d’une démarche audacieuse de développement durable par des établissements de santé pionniers. Ces équipes courageuses, couronnées de prix pour certaines, ont créé le C2DS afin d’embarquer le reste de la profession. Il y a vingt ans, nous assistions à une réelle prise de conscience de certains et un total désintérêt pour la majorité des autres acteurs de santé.

La période 2009-2019 signifie ensuite pour nous la création de l’agence Primum Non Nocere afin de répondre à la question posée durant cette décennie : « faut-il y aller et surtout pourquoi ? Cela a-t-il du sens, ou est-ce une mode ? » Nous avons travaillé pour convaincre que oui, il faut y aller !

Depuis 2019, la question est désormais « comment faut-il agir ? » Après vingt ans de travail sur ce sujet et l’accompagnement actuel d’environ 450 établissements de santé, nous constatons que tout d’abord les acteurs ont acquis une conscience des enjeux, qu’ensuite la technologie, numérique en particulier, nous a permis de mettre en place des outils collaboratifs, de la méthodologie et de l’expertise, qui rendent une approche RSE accessible, et donc qu’il est possible de déployer à grande échelle des actions. Les résultats obtenus sont colossaux. À l’échelle d’un territoire ou d’un groupe, 10 % d’économies sur les déchets, davantage encore sur l’énergie, etc. sont des gains majeurs pour les établissements.

Comment voyez vous la décennie à venir ?

Plus on est nombreux à entrer dans cette dynamique, plus on inverse le sens du courant. C’est exactement ce qui se passe actuellement. Nous avons également la chance de disposer de cadres nationaux et internationaux : les 17 objectifs en développement durable de l’ONU, la COP 21, les lois Grenelle de l’environnement, etc. qui fixent des échéances à 2030 tout à fait atteignables.

La prochaine décennie sera celle de la disruption. Nous réinventerons des systèmes plus adaptés aux générations actuelles et futures. Par exemple, la loi pacte permet de développer des entreprises « à mission » qui fixeront dès leur statut des objectifs contrôlés par des tiers en termes d’engagement social, sociétal et environnemental. Nous travaillons depuis trois ans à la création d’un label francophone qui intègre tout cela (THQSE). Notre objectif est que le monde de la santé prenne résolument ce virage, devienne exemplaire sur le sujet et impacte le reste de la société.

Une politique d’achat responsable est-elle une base incontournable ?

C’est la clé des dépenses de santé. Les industriels sont en train de s’adapter à ces nouvelles demandes et sur le terrain, nous découvrons des produits et services innovants et moins impactants. Le LAB RSE, outil collaboratif créé par les experts de l’agence Primum Non Nocere, analyse des produits et services, donne la parole aux utilisateurs sur la qualité d’usage et la qualité perçue, et indique au travers d’une note s’il s’agit d’une réelle innovation et si elle est moins impactante.

Le préjugé très ancré est qu’une démarche de ce type coûte cher, comme traditionnellement acheter des produits bio coûte plus cher que les non bio. Sauf que les personnes qui font l’expérience du bio et du éco-conçu consomment ensuite mieux et moins. Ce constat fait sur l’alimentation est le même sur tout autre type d’achat. Le coût du produit s’analyse en coût direct et indirect, selon son cycle de vie. Lorsque des produits génèrent moins d’impact, moins de déchets, moins de manipulation, moins de troubles musculo-squelettiques, moins de stockage, moins d’effluents liquides, moins de CO2, etc. cela fait une différence. Acheter responsable montre que sur tous les sujets – le bien-être, la santé, les déchets, la productivité – les ratios s’améliorent.

Nous développons également un lobbying éthique sur les produits (couches, cosmétiques, etc.) qui nous exposent prématurément aux perturbateurs endocriniens et cherchons à massifier l’achat de produits plus sains afin d’en diminuer leur prix facial.

Grâce notamment aux outils numériques, nous sentons qu’un virage est en train de se prendre !

L’Agora du C2DS aura lieu ce mercredi, 22 mai 2019
à l’Académie nationale de médecine, Paris 6e

Programme et inscription