Trois questions à Daniel Carré

daniel carré, Délégué National chargé des usagers de santé de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), Administrateur du CISS Île-de-France, représentant en CRU

Quelle est votre perception de notre système de santé actuel et de l’hospitalisation privée ?
Le grand débat actuel sur la santé nous amène à l’appréhender sous deux angles : « santé solidarité » et « santé marché économique ». Je suis, naturellement, un fervent défenseur du premier mais une approche éthique doit permettre la cohabitation des deux. Quant au système français, où cohabitent les secteurs public et privé, je constate qu’ils sont complémentaires et qu’ils ont leur légitimité du moment où des moyens de régulation et de contrôle sont en place et fonctionnent efficacement et équitablement. Reste pour moi le problème de l’accessibilité aux soins, notamment pour des personnes âgées, souvent aux revenus moindres, nombreuses dans les 47500 adhérents de notre association. Très souvent, le service et les prestations des hôpitaux privés où l’on peut se faire soigner plus vite et plus confortablement, ne sont pas à leur portée. Par ailleurs, pour ce qui est de la prise en charge des patients en fin de vie, il y a encore beaucoup de travail à faire en ce qui concerne l’offre, la capacité et la qualité de la prise en charge. Cela concerne les deux secteurs, bien que le secteur privé soit moins concerné, car le nombre de décès en clinique privée (43500 par an) est beaucoup plus faible qu’à l’hôpital (255200 par an)- données 2006 dans étude IGAS 2009.

Pensez-vous que les dépassements d’honoraires constituent un frein dans le développement de l’hospitalisation privée ? Pourquoi ?
C’est un vrai problème, surtout parce qu’il est difficile de dire ce que vaut un acte chirurgical bien fait, tout talent méritant rémunération. Pour moi, ces dépassements font partie des inégalités du système et sont autant de difficultés pour les malades. Je pense qu’un débat devrait être ouvert sur ce sujet parce que c’est une vraie question sociétale. La prise en charge des coûts par la Sécurité Sociale diminue, l’accès à de bonnes Mutuelles complémentaires n’est pas ouvert à tous. Aux coûts des soins, s’ajoutent aussi les frais d’hébergement qu’entraîne la dépendance, en particulier celle liée à l’âge, à charge des familles dans une proportion très importante.

En perspective du Congrès avec les représentants des usagers de la FHP-MCO le 14 septembre 2010, quels messages aimeriez-vous faire passer ?
Le respect de la volonté du patient est une condition indispensable au bon déroulement de l’hospitalisation. Le grand sujet qui concerne l’ADMD est celui des conditions de la fin de vie et de l’application de la loi Leonetti. Les directives anticipées et le mandat de la personne de confiance devraient figurer dans tout dossier patient. Plutôt qu’à l’accueil, ils devraient être remis au chirurgien, à l’anesthésiste et aux responsables de soins. Il est pour nous très important que le patient puisse dialoguer avec ses soignants sur les risques d’une intervention et puisse à cette occasion clairement indiquer ses volontés aux médecins, en cas d’évolution difficile de son état. De plus, nous sommes fermement contre l’acharnement thérapeutique. Nous souhaitons vivement qu’en face d’une décision d’arrêt de traitement, la procédure de concertation prévue par la loi soit effective. Il faut ensuite que tous les traitements indispensables, symptomatiques et sédatifs, soient donnés au malade pour lequel un arrêt de traitement a été décidé. Enfin, nous sommes très sensibles et militons activement pour que des conditions plus humaines entourent la mort de la personne. L’étude MAHO de 2008 conclut que les infirmières évaluent que dans 35% des cas seulement les conditions du décès sont acceptables. Les gens meurent trop souvent seuls. Il y a un travail énorme à faire pour permettre aux personnes en fin de vie d’être entourées. Cela va malheureusement de pair avec des allocations de ressources supplémentaires pour les hôpitaux.
Pour conclure, l’ADMD incite fortement ses Représentants d’Usagers en CRU à exercer leur vigilance citoyenne sur les conditions de fin de Vie dans l’établissement où ils siègent. En particulier, de vérifier que les procédures réglementaires préconisées sont bien mises en place et de participer à l’autoévaluation de leur application lors des démarches de certification V2010.