Trois questions à Étienne Millet

ETIENNE MILLET, Directeur de la Polyclinique du Pays de Rance, Dinan (22)

Quelles sont vos plus belles expériences ?
Après plusieurs années passées dans le secteur de la distribution de produits culturels, j’ai pris fin 2007 la direction de la Polyclinique avec deux objectifs principaux et urgents, qui furent des moments très forts : le transfert de l’établissement (en une semaine !) en septembre 2009 sur un nouveau site près de l’hôpital de Dinan, avec qui nous avons mis en place un Pôle de Santé public/privé, puis la Certification en décembre 2009. Ces deux challenges ont été une réussite et l’investissement des équipes maximal compte tenu des enjeux et des délais. La coopération avec l’Hôpital est aussi, je pense, un bel exemple, même s’il nous faut savoir négocier et résister sur certains points face à sa direction et nos tutelles. Nous avons créé un GCS de moyens (nous effectuons leur stérilisation, ils nous apportent des moyens techniques) et avons procédé à une redistribution des activités, de manière à ne pas être en perpétuelle concurrence. Nous avions ainsi cédé la maternité à l’Hôpital et avons récupéré le monopole de la chirurgie sur le secteur (sauf l’obstétrique) dans un bloc opératoire commun, à nette dominante privée donc ! Compte tenu de leur activité chirurgicale nettement inférieure à la nôtre, mais necessitant une présence infirmière, nous allons étudier une mutualisation des effectifs gérés exclusivement par notre responsable de bloc opératoire.

Quels sont vos plus gros échecs?
En apprenant ce nouveau métier, je n’ai pas encore connu de vrai échec, mais j’ai été particulièrement frappé par l’incohérence du système qui nous régit. Nous assurons indéniablement une mission de service public avec la permanence des soins, la prise en charge exclusive des urgences chirurgicales (que l’Hôpital ne fait plus) et pour lesquelles les financements dédiés viennent d’être supprimés ! Nous avons saisi l’ARH avec l’appui de la FHP Bretagne et nous espérons une issue favorable. Ces financements nous ont été retirés au moment où l’ARH nous confiait totalement cette mission de service public et où nous en avons donc le plus besoin. En effet, c’est d’autant plus incompréhensible que ces activités d’urgences par définition non programmées engendrent des frais supplémentaires et perturbent grandement l’organisation des soins.

Quelles réflexions vous inspire l’actualité ?
Je pense que, quoiqu’il arrive, nous résistons mieux à la crise que le reste de l’économie mais nous sommes tout de même arrivés aux limites dans nos possibilités en termes de leviers de croissance de l’activité. Nous ne maîtrisons ni le paramètre P (prix, n’ayant aucune visibilité sur les tarifs), ni le paramètre Q (quantité, les patients recrutés par les chirurgiens) du chiffre d’affaires, et nous nous heurtons aux contingences des autorisations pour tout développement de nouvelles activités. Si l’on ajoute l’effet ciseau que nous subissons entre des charges en constante augmentation et des ressources aux évolutions incertaines, l’exercice de ce métier est dans les faits difficile. En ce qui nous concerne, nous avons dû rapprocher (atteindre est impossible !) le salaire de nos infirmières des grilles salariales de l’hôpital voisin et développer fortement la qualité et le respect des nouvelles normes sanitaires, en subissant un manque à gagner certain avec des tarifs à la baisse (cataractes), la non facturation du forfait hôtelier en ambulatoire (qui explose), des MIGAC faibles et non reconductibles et des contrôles T2A de plus en plus sévères. Important dans ces conditions de rester un directeur positif !