Patrick Bossu, Directeur de la Clinique Ambroise Paré à Beuvry (62)
Quelles sont vos plus belles expériences ?
Cela m’amuse toujours de dire que j’ai changé de camp au cours de mon parcours professionnel. En effet, j’ai été dans un premier temps Directeur adjoint d’un hôpital public et Directeur de la coopération inter-hospitalière avant de passer à la direction de notre clinique en 2006, et j’ai eu la chance de voir aboutir des projets intéressants dans les deux secteurs. J’ai donc été à l’initiative du premier GCS public/privé en France détenteur d’une autorisation de soins (en l’occurrence de chirurgie cardiaque) avant de m’atteler au redressement financier et à la création d’une dynamique nouvelle de notre établissement qui était « convalescent » à mon arrivée. Bien qu’il affiche des comptes positifs pour la 5ème année consécutive, le niveau toujours plus élevé d’exigences imposées nous force à rester humbles dans le succès, qui est pour moi avant tout celui des professionnels avec qui je travaille et atteste des efforts engagés et reconnus par les experts (dans le cadre de la certification V2). Je suis fier de manager cette clinique à actionnariat médical, avec la confiance du gérant, le Dr R. Callafe.
Quels sont vos plus gros échecs?
Mes débuts à la Clinique n’ont pas été faciles. J’ai été mis dans le bain immédiatement par le comité d’entreprise avec des revendications, légitimes, et il a fallu trouver des accords sociaux compatibles avec les capacités de la clinique. Ma plus grande déception à ce jour est que, malgré mon expertise dans le domaine, je n’ai pas encore réussi à engager notre clinique dans une coopération inter-hospitalière. Est-ce dû à notre taille (82 lits) ? Personnellement, je persiste dans cette voie car notre clinique tient une place importante dans le territoire et a des atouts à faire valoir : notre plateau technique est neuf, nous avons su constituer des équipes médicales solides et compétentes et proposons une offre de soins axée notamment sur la chirurgie majeure et spécialisée (obésité sévère, cancérologie ORL, thoracique et digestive, revascularisation…). Je pense que notre pérennité passera par une forme de partenariat adéquat et le déploiement et la valorisation de notre activité. Dans ce sens, nous ne désespérons pas de voir notre demande de reconnaissance pour des lits identifiés soins palliatifs acceptée, même après plusieurs tentatives avortées, pour conforter la prise en charge globale en cancérologie.
Quelles réflexions vous inspire l’actualité ?
Je ne vois pas d’un bon œil la possibilité que vont avoir les hôpitaux publics de recourir à des médecins libéraux avec paiement à l’acte (loi HPST). N’est-ce pas pour nous une concurrence déloyale, sachant par ailleurs que nous ne sommes pas traités de façon équitable sur le plan des tarifs de prestations? Ayant exercé dans les secteurs public et privé, je pense que les pressions exercées en particulier sur le privé, qu’elles soient économiques, sanitaires ou médiatiques, sont beaucoup plus contraignantes. Les règles du jeu évoluent et la profession est saturée par les exigences sanitaires à mettre en place avec des équipes toujours plus restreintes, et ce, en l’absence de moyens nécessaires. S’ajoute à cela la pression des médias, qui, à coups de palmarès et d’articles accrocheurs (ou vendeurs) peuvent mettre à bas l’image de votre établissement. Dans le contexte actuel, la tentation de se replier sur soi est grande, alors qu’il faut justement revendiquer sa place légitime dans le schéma régional d’organisation des soins. La recomposition hospitalière ne se fera pas sans nous !