Paulette Le Lann est Présidente de la Fédération JALMALV (Jusqu’à la mort, accompagner la vie)
JALMALV a un double objectif : d’une part : accompagner les personnes gravement malades quels que soient leur âge, leur situation physique, psychologique ou sociale, quel que soit l’endroit où elles se trouvent – accompagner également leurs proches pendant la maladie, la période de deuil et d’autre part : agir dans notre société pour contribuer à modifier les mentalités, les attitudes, le regard de nos concitoyens sur la maladie grave, le grand âge, la mort et le deuil. Nous nous inscrivons dans un mouvement né il y a près de 30 ans, en réaction aux conditions inhumaines de fin de vie dans les hôpitaux. Dans les années 60, avec le développement de la réanimation et les formidables avancées de la technique médicale, certains médecins entretenaient presque l’illusion qu’on pouvait guérir de la mort. On a commencé à parler d’acharnement thérapeutique’. Parallèlement, le lieu de la fin de vie s’est déplacé progressivement vers l’hôpital. La mort est alors devenue synonyme d’échec, d’anomalie, un sujet tabou. A l’époque, on mourait soit dans l’univers technique de la réanimation, soit seul chez soi, dans la solitude et sans antidouleur. Parfois, à domicile, le médecin de famille administrait par compassion, une piqure létale. A l’hôpital, c’était la pose du fameux cocktail lytique. Ces pratiques étaient la signature d’une grande impuissance. Jalmalv a été fondé dans ce contexte, par une petite poignée de personnes regroupées à Grenoble autour du Pr. René Schaerer, professeur de cancérologie, pour revendiquer des conditions plus humaines en fin de vie « ce n’est pas parce qu’on ne peut pas guérir qu’il ne faut pas soulager toujours et accompagner jusqu’au bout ». Pour nous, une personne en fin de vie reste une personne vivante et il faut tout faire pour qu’elle puisse exprimer ses choix et vivre dans les meilleures conditions jusqu’à son dernier souffle. Aujourd’hui encore, la mort s’articule mal avec les valeurs de compétitivité, de force, de puissance mises en avant dans notre société. Elle nous rappelle, au contraire notre propre vulnérabilité, notre finitude, la fragilité de l’être humain. Nous travaillons à ce que la mort fasse partie intégrante de la vie.
Quel est votre rôle au sein des hôpitaux et quels sont vos rapports avec les représentants des usagers ?
La maladie est l’affaire des professionnels de santé ; la mort, elle, est l’affaire de tous. Ainsi, en France, plus de 5 000 bénévoles d’accompagnement, dont un tiers pour JALMALV, interviennent au nom de la société civile, auprès des personnes malades et de leurs proches pour leur offrir présence et écoute. Nous sommes ouverts à tous et non confessionnels. La loi du 9 juin 1999 qui pose le cadre juridique des soins palliatifs, officialise et définit, dans son article 10, le rôle des bénévoles d’accompagnement. Cette loi reconnaît ainsi la pleine et entière responsabilité de la société dans le prendre soin des personnes malades jusqu’à leur mort. Quant aux problématiques, elles sont les mêmes dans le secteur public et dans le secteur privé : il y a de plus en plus de malades atteints de pathologies lourdes et chroniques, qui sont aussi de plus en plus isolés. La charge de travail est lourde pour les équipes médicales et soignantes, qui parfois s’épuisent. Le partenariat avec des bénévoles sélectionnés, formés et encadrés par les associations d’accompagnement constituent indéniablement un atout dans le prendre soin. Quant à nos rapports avec les représentants des usagers : la Fédération JALMALV est le premier groupement d’associations à avoir obtenu, en 2007, l’agrément national au titre des représentants des usagers. Certaines de nos associations locales bénéficient également d’un agrément régional. La fonction de représentant d’usagers est une fonction spécifique, différente de la fonction de bénévole d’accompagnement et qui nécessite préalablement une formation particulière. L’exercice de cette fonction, pensé dans une démarche constructive, contribue, sans aucun doute, à l’amélioration de la qualité de soin des personnes hospitalisées et au mieux-être de tous.
Les bénévoles sont majoritairement des femmes, le plus souvent d’âge mur, avec une vie familiale riche et qui se mobilisent dans ce bénévolat par souci des autres, avec le projet de développer une société plus humaine et plus solidaire. La loi précise les conditions d’intervention des bénévoles d’accompagnement en établissement et les liens avec les professionnels de santé. Ce n’est pas toujours facile pour les équipes hospitalières de voir débarquer des bénévoles d’accompagnement. Le partenariat ne se décrète pas, il exige un véritable apprivoisement réciproque. Il faut faire un pas les uns vers les autres, il faut du temps, de la communication pour mieux se connaître et se reconnaître. A ce prix, une vraie complémentarité peut se mettre en place, au bénéfice des personnes accompagnées ! Notre engagement en tant que bénévole d’accompagnement prend alors tout son sens !