Dr Claire FOURCADE, Médecin généraliste, coordonnateur de l’équipe mobile de soins palliatifs de la Clinique des Genêts à Narbonne (11) *
Pourquoi avez-vous eu l’idée de ce livre ?
Au début, ce livre était destiné à mon équipe. Mais le texte s’est diffusé, et il a échappé au projet initial. Dans ce métier, on est traversé par beaucoup d’histoires. Chaque année, nous accueillons 350 patients. J’ai eu envie de garder une trace de ces passages. C’est dans ma voiture, en route vers la clinique que commence pour moi le travail d’écriture – j’habite à Montpellier et travaille à Narbonne. Les patients ne lisent pas les textes, je ne les ai pas écrits pour eux mais pour mes collègues, pour nous aider à trouver la bonne distance, comme une sorte d’hommage à leur travail quotidien. Les soins palliatifs, c’est quelque chose qui ne se conçoit pas seul. C’est un partage : les prises en charge sont globales, la pluridisciplinarité est essentielle, les types d’écoute différents. Dans ma pratique professionnelle, le fait d’écrire m’a aidé à écouter différemment les patients. Ça n’a pas été un exutoire, car j’aime la discipline que j’ai choisie, mais je me suis rendue compte que grâce à l’écriture, j’écoutais mieux.
Comment vous êtes vous orientée vers les soins palliatifs ?
Dès le début de ma carrière, quand j’ai été confrontée à la mort au CHU pendant mon internat je me suis dit que les choses pouvaient se passer différemment et j’ai eu envie de m’orienter vers cette spécialité. En 88, les soins palliatifs existaient à peine en France. Au Canada, la première unité dédiée a été crée en 1967. Je suis partie étudier là-bas, et ils avaient vraiment 20 ans d’avance. Lorsque je suis rentrée, il n’y avait quasiment rien dans ma région, et j’ai travaillé comme urgentiste jusqu’en 2000. Nous avons été l’une des premières équipes de soins palliatifs privées de la région. Dans notre service, nous sommes 11 personnes dédiées aux soins palliatifs, toutes à temps partiel. Les histoires que les gens racontent sont très singulières : chacun est différent, certains n’ont pas conscience d’être en fin de vie, d’autres au contraire le ressentent vivement… Nous ne sommes pas là pour imposer quoique ce soit. On écoute, et on tend des perches. Nous proposons un espace de parole et d’écoute, nous construisons avec chacun ce dont il a besoin.
Les soins palliatifs dans le secteur privé… Une activité qui doit se renforcer ?
Bien sûr ! C’est évidemment le cas et il faut aussi faire savoir ce qui existe déjà. Dans ma région, le milieu des soins palliatifs est étroit, nous nous connaissons tous, et je me rends compte que le privé sait peu montrer ce qu’il accomplit. Nous avons la chance, dans le privé, de bénéficier d’une grande liberté d’organisation. Cela nous permet de construire notre programme en fonction des équipes médicales, et des familles. Et c’est très positif !
* Médecin généraliste, le Dr. Claire Fourcade travaille depuis 12 ans au service de soins palliatifs de la Clinique des Genêts à Narbonne. Elle est l’auteur de « 1001 vies en soins palliatifs / « Ils ne sont pas en « fin de vie », ils sont « en vie »‘. », sorti aux éditions Bayard.