3 questions à Olivier TOMA, Président fondateur du C2DS

 Olivier TOMA, Président fondateur du C2DS et auteur de «Hippocrate, au secours ! Comment bâtir un système de santé durable», paru le 7 septembre 2012 aux éditions Pearsons. 

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre? 
Après 17 ans passés à manager des établissements de santé, j’ai observé un mélange de choses formidables et de choses dramatiques… et une vraie méconnaissance du grand public des métiers de la santé. Pour l’instant, la santé n’est pas pensée de façon durable, actuellement, nous empruntons à nos enfants les moyens pour pouvoir financer nos soins quotidiens. Et le pire est que personne n’en parle vraiment ! Il faut être réaliste : en France, nous n’avons pas de vision du système de santé à 10, 20, 30, ou 50 ans. J’ai écrit ce livre pour que mon fils et mes parents puisse le comprendre, je voulais donner quelques idées, inciter au débat et lancer des pistes.

Quel genre de pistes?
Par exemple, il me semble essentiel que la « recherche et développement » sorte des labos et vienne se mettre en adéquation avec les pratiques. La France est un vivier d’idées, ce qui manque, ce sont des structures d’évaluation fiables des innovations. Il existe de nombreux procédés de nettoyage, par exemple, beaucoup moins impactant pour l’environnement et beaucoup plus économiques, à base de vapeur d’eau ou d’électrolyse. Ces procédés tardent à être évalués par une entité officielle ! On ne peut pas se baser sur la seule allégation du fournisseur avant de démocratiser l’usage d’un produit. J’ai rencontré un chirurgien qui avait développé une technique chirurgicale micro invasive pour la pause de prothèse de hanche… Combien d’années devra-t-il attendre pour que sa méthode soit évaluée, et le cas échéant, largement diffusée ? Si l’on me présente un appareil pour désinfecter des endoscopes,sans produits chimiques ,comme cela se pratique en Asie, je veux pouvoir me reposer sur d’autres indications que celles proposées par le fournisseur. À mon avis, il devient urgent de créer une Agence de la recherche et du développement en santé, pour éviter que nos achats se fassent uniquement selon des arguments commerciaux. Plus généralement, il faut revoir l’ensemble des indicateurs de qualité concernant la santé en France. Quand on voit que la qualité d’un établissement se mesure en fonction du nombre de litres de solution hydroalcoolique utilisés, alors que l’on ne sait même pas comment traiter les emballages (considérés comme dangereux) de ces solutions et que leur composition n’est pas du tout claire, on a du souci à se faire ! La France a toutes les compétences pour devenir un pôle majeur de création et de santé. Ce qui contribuerait aussi à rebooster des équipes hospitalières en souffrance. C’est un autre sujet dont on ne parle pas : le taux de suicide dans le secteur de la santé est deux fois supérieur à celui affiché chez France Télécom. Le taux d’absentéisme est également catastrophique. Il est essentiel de donner une visibilité à ce mal-être, de comprendre pourquoi il s’est installé et d’agir en conséquence. Le C2DS propose un baromètre de la santé des professionnels de santé, qui sera publié à la fin du prochain trimestre.
Autre proposition : faire fusionner le ministère de la Santé et le ministère de l’Environnement. Le fait que ces ministères soient séparés est une absurdité. Depuis 8 ans, le C2DS alerte le ministère de l’Environnement sur la dangerosité des effluents liquides et s’entend répondre que cela concerne le ministère de la Santé, qui n’en a aucune idée. Ces passements de balle ne pourraient avoir lieu si les deux ministères n’en faisaient qu’un, surtout à l’heure où la santé environnementale devient une priorité dans de nombreux pays au monde.

Quelle place pourrait occuper le secteur privé?
À mon avis, la concurrence public/privé n’intéresse personne. Il faut que les établissements, qu’ils soient publics ou privés, soient payés sur la base du coût de réalisation de l’acte et que leurs tarifs évoluent en fonction de l’évolution du coût de la vie  (projet ISH…). Aujourd’hui, l’assurance maladie finance des actes sans connaître ce coût. C’est absurde ! Il faut mettre en place des outils collaboratifs pour sortir de la querelle public/privé, et résoudre le problème de la dette publique !