« Consacrer les valeurs du service public c’est dire que l’hôpital n’est pas une entreprise, ce qui n’est pas contradictoire avec la bonne gestion de nos établissements» déclarait encore Marisol Touraine lors d’une visite de terrain. Le mot « entreprise » est-il devenu incidemment une insulte ? Si l’entreprise est une organisation dont le profit est la pierre angulaire, ce dernier serait-il aussi une injure ? A contrario, les mots « crise » ou « déficit » seraient-ils des éloges ? Sans bénéfice, comment l’hôpital procède-t-il aux investissements nécessaires à sa pérennité ? Les marqueurs traditionnels entre administration et entreprise volent ici en éclat : l’hôpital est noté par l’agence Moody’s et nos tarifs et activités sont fixés par l’Etat. La dette de 113 millions d’euros du CHU de Caen est « tendance » alors que celle de 43% de notre secteur est ignorée ? Nous le voyons bien, sur ce registre idéologique, nous perdons à tous les coups. Réinjecter à l’hôpital le virus de l’administration, c’est la rechute assurée, et nous draper dans notre juste posture d’entrepreneur nous condamne à l’extinction de voix. « L’hôpital est le bâtiment civil le plus complexe après une centrale nucléaire » affirme Jean de Kervasdoué, espérons qu’il n’explose pas.
Lamine GHARBI
Président du syndicat national FHP-MCO
Alerte rouge
Les comptes de la Sécu dérapent et « la trajectoire de réduction des déficits marque le pas », tranche la Cour des Comptes dans son rapport. Le déficit du régime général – qui cumule les branches maladie, famille et vieillesse – dérapera de 900 millions d’euros pour grimper à… 14,7 milliards. Soit la facture des Jeux olympiques organisés cet été à Londres. Marisol Touraine a réaffirmé qu’aucune augmentation de la CSG ne figurerait dans le projet de budget 2013, ajoutant que le financement de la protection sociale ferait l’objet d’une « réforme de fond ».
La jungle des agences publiques
« Il n’existe pas de recensement exhaustif » observe l’IGS dans son récent rapport. Créées de façon ponctuelle sans cohérence d’ensemble, elles sont aujourd’hui autour de 1244 employant 442 830 employés, soit presque trois fois l’ensemble des salariés de l’hospitalisation privée. L’IGF pointe les doublons dans le secteur de la santé : l’ANAP (budget de 52 millions d’euros), la HAS, l’ANESM, toutes trois chargées de faire des recommandations aux établissements sans que la distinction entre leurs compétences ne soit évidente.
Un coin du « Contrat d’accès aux soins » dévoilé
Après avoir tenté de cerner le 5 septembre les dépassements d’honoraires « abusifs », les acteurs ont commencé à définir le nouveau « contrat d’accès aux soins ». Les médecins signataires s’engageraient à proposer des tarifs opposables aux patients en CMU-C et aux consultations en urgence comme c’est déjà le cas mais aussi – c’est la nouveauté – aux 4,7 millions d’assurés éligibles à la complémentaire santé (ACS). Au total, 9 millions de Français seraient totalement exemptés de dépassements d’honoraires. L’adhésion du médecin de secteur II permettrait de réduire le reste à charge des autres patients par le biais de l’alignement des bases de remboursement sur celui du secteur I. Pendant la durée du contrat (3 ans jusqu’à la fin de la convention), les médecins seraient tenus de geler leur taux moyen de dépassement. L’assurance-maladie s’engagerait de son côté à revaloriser les tarifs de certains actes de la nomenclature et à prendre en charge les cotisations sociales des praticiens ayant souscrit ce contrat pour les actes réalisés sans dépassement.
Des prescriptions en DCI
Mettre fin au marketing des laboratoires pharmaceutiques et leur ambition de bâtir des « marques », les caisses de la région Rhônes-Alpes travaillent à l’obligation de prescriptions systématiques en Dénomination commune internationale (DCI). Réflexion menée dans le cadre de la conférence de rentrée sur la faible pénétration des génériques.
Le généraliste en première ligne
Depuis quelques semaines, le Syndicat des médecins libéraux (SML) suit avec inquiétude les discours et les décisions de Marisol Touraine. Le syndicat a peu apprécié les déclarations ministérielles sur la mise en place d’un parcours de santé à entrée unique, où la vision du généraliste de proximité que peut avoir selon lui le ministère, « payé au forfait, adossé à l’hôpital et abandonnant le soin pour la simple régulation ».
Des soins d’urgence en moins de 30 minutes ? Les SAMU misent également sur le généraliste correspondant qui a reçu une « formation spéciale à la prise en charge en urgence, y compris les urgences vitales les plus graves. Il dispose également d’un matériel (électrocardiogramme, transmission) et d’une pharmacopée adaptée. Il est à l’avant-poste d’une prise en charge cohérente ». Proposition présentée devant une assemblée extrêmement frileuse…
François Hollande a pour la première fois reconnu l’existence de la crise sanitaire due à la croissance des maladies chroniques. Un changement de cap mais pas de feuille de route pour le moment ! Marisol Touraine n’a pas réfuté l’idée d’une taxe environnementale pour financer la Sécu. « Il y a un impact de l’environnement sur la santé, il n’est donc pas anormal de se demander comment on répond à cette réalité là de manière fiscale ».