3 questions à Claude Rambaud, présidente du LIEN et présidente du CISS

Claude Rambaud, présidente du LIEN, association de défense des patients, et nouvelle présidente du Collectif Interassociatif Sur la Santé (le CISS)
 
Quelles sont les attentes des patients pour 2013 ?
Les attentes des patients sont simples : accéder à des soins de qualité dans un délai le plus court possible, avec un tarif opposable. Du point de vue des patients, on est en droit de se demander quand nous allons sortir de cette course aux honoraires. En France, la plupart des patients ont établi une relation de confiance avec le monde médical, et leurs soignants. C’est une excellente chose. Mais quand on est représentant des usagers, nous sommes confrontés à d’autres questions. Nous sommes naturellement plus critiques, comme un pilote d’avion passager d’un airbus. Aujourd’hui, le combat de l’accès aux soins est bien sûr lié au combat contre les déserts médicaux, et c’est l’une de nos priorités. Nous attendons de voir si la réforme de la ministre de la Santé va porter ses fruits. Le travail pilote mené dans la Vienne nous semble intéressant : le Conseil général, le Conseil régional et le CHU se sont associés pour permettre aux internes d’effectuer leur stage en médecine de ville. Sur plus de 200 internes qui ont participé à ce programme, près de 60 se sont installés. Pour 2013, nos priorités sont donc l’accès aux soins, la résolution des déserts médicaux et la surveillance des dépassements. Mais d’autres sujets me tiennent à cœur, comme la prévention primaire. L’éducation à la santé commence dès la maternelle et doit se poursuivre dans les amphithéâtres des facultés de médecine. Aujourd’hui, les médecins sont peu initiés aux déterminants de la santé. Les budgets accordés à la prévention sont très bas, seulement environ 2% des dépenses de santé, qui se partagent entre le dépistage et la vaccination. Quid de l’éducation à la santé, absolument nécessaire pour faire face notamment à l’expansion drastique des maladies chroniques ? Il faut trouver des budgets et des modes de développement pour la prévention primaire, en concertation avec l’Education nationale. Autre point essentiel : la garantie de la démocratie sanitaire. La loi du 4 mars 2002, renforcée par les dispositions de 2004, définit la place des associations dans le monde de la santé. A mon avis, nous arrivons, avec le CISS, au bout d’un certain type d’exercice. Nous devons faire preuve d’inventivité pour mettre en place un nouveau dispositif. Enfin, il me semble que nous devons tout faire pour que l’Assurance maladie s’implique plus sur la question de la iatrogènie, notamment médicamenteuse et de la pertinence de la prise en charge. Il faudrait être plus pédagogique sur les prescriptions, publier les moyennes de prescriptions de médicaments pour que les médecins puissent se situer… Le médicament a fait beaucoup de débats, et la coopération entre patients et médecins est essentielle, c’est l’expérience du LIEN.Comment peut-on améliorer justement, l’écoute entre les praticiens, les patients et les directeurs d’établissements ?
Les représentants des usagers se font rares : ils sont souvent eux-mêmes malades, peu disponibles, ou inexpérimentés. Les usagers sont mal entendus. Une des pistes à suivre pourrait être de mettre en place une meilleure initiation dans le cadre des études de médecine, comme c’est déjà le cas à Paris V. Un module optionnel de 30h (DCM3) porte sur la relation au patient. Des formations interactives avec les étudiants sont organisées, avec des mises en situation, sur l’apprentissage d’une mauvaise nouvelle par exemple. C’est un cours très dynamique, avec un sociologue, un psychologue, des médecins, deux représentants des usagers et moi-même, qui intervient au nom des patients, c’est un autre regard porté sur l’autre allongé. Il faut revenir à des modules obligatoires, en petits groupes, de formation à la relation. Nous avons également participé à la « Semaine de la sécurité du patient », où nous avons cherché à mettre en avant les patients comme des acteurs de leur propre santé. Aux Etats-Unis ou au Canada, il existe des modules de formation dans les facultés de médecine, où les patients participent à l’enseignement non seulement de la relation, mais encore de la pathologie pure. On considère qu’ils transmettent aussi une forme de savoir sur la maladie. C’est une approche que j’aimerais beaucoup introduire en France.Le fait d’être une femme a-t-il eu une influence sur vos combats ?
J’imagine que nous avons, en tant que femme, certains sujets qui nous tiennent plus à cœur. J’ai par exemple mené un combat important sur l’absence de décontamination des sondes vaginales. Les études sont largement significatives sur la contamination des sondes vaginales endocavitaires et des risques de transmission des bactéries, a fortiori du papillomavirus, et je suis ulcérée par la légèreté de certains praticiens qui n’appliquent pas les bonnes pratiques. Autre exemple : les troubles engendrés par des épisiotomies excessives ou des péridurales mal pratiquées rencontrent probablement un fort écho chez moi car je suis une femme. La médecine des femmes est une médecine de souffrance, elle comporte beaucoup de douleurs et beaucoup de silence. C’est une médecine de tabou. Je pense aussi que les femmes sont plus dans le compassionnel, ce qui nous rend plus sensibles aux problématiques de la maltraitance, notamment chez les personnes âgées.