3 questions à Hervé GISSEROT, Président du Leem

Hervé GISSEROT, Président du Leem (le Leem est l’organisation professionnelle qui fédère et représente les entreprises du médicament présentes en France).

Comment l’industrie et les établissements de santé peuvent-ils travailler ensemble plus harmonieusement ? 
Les établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés, répondent tous à des préoccupations de santé publique. Il en va de même de nos entreprises, dont la mission première est de concevoir et de mettre à la disposition des patients et du corps médical des médicaments sûrs et efficaces. C’est ainsi que nos liens avec les établissements s’articulent autour du développement de la recherche et de l’accès à l’innovation, tout en garantissant la sécurité du patient et le bon usage du médicament. Sur ce versant de nos relations, il est essentiel de développer des liens de confiance pour permettre l’essor de la recherche clinique et la diffusion optimale du progrès thérapeutique dans les établissements. Il importe également de répondre au besoin de retour d’information patients-médicaments, notamment dans le suivi des patients dans le cadre des RTU, des ATU et des essais cliniques, mais aussi de renforcer les signalements de pharmacovigilance dans le cadre d’un contrôle renforcé des médicaments dans la vie réelle. Enfin, si l’on veut permettre aux différents partis de travailler plus harmonieusement, il conviendrait que les décisions administratives de prise en charge des médicaments soient partagées en amont avec les acteurs hospitaliers et industriels afin d’anticiper la mise à disposition du médicament, notamment lorsque les modalités d’accès au traitement sont modifiées, à l’exemple de la liste en sus. S’agissant du versant plus économique et commercial de nos relations, des efforts d’harmonisation sont possibles, dans un contexte de contraintes budgétaires dont nous sommes parfaitement conscients. Ainsi, la tendance à la massification des achats devrait – si l’on veut en faire un vrai levier d’efficience – s’accompagner d’une harmonisation des échanges de données entre acheteurs et fournisseurs, d’une simplification des appels d’offres, ou encore d’une généralisation de la dématérialisation des procédures de marché, accompagnée d’une plus forte responsabilisation de l’acheteur. Enfin, je crois important de bien prendre en compte la qualité pharmaceutique dans les critères présidant aux achats, ainsi que l’intégration dans le prix du médicament des dimensions environnementales et sanitaires, afin de fonder la décision d’achat, non pas toujours sur le « moins disant », mais sur le « mieux disant ».

Comment coordonner la recherche et développement entre le Leem et les établissements ? 
En matière de recherche clinique, des progrès sont possibles pour demeurer parmi les grands pays de la recherche et pour faire bénéficier les malades des avancées de la recherche fondamentale. Souvent pratiquée en partenariat avec les hôpitaux, beaucoup moins avec les établissements privés, la recherche clinique contribue au niveau élevé d’expertise médicale des professionnels hospitaliers en France. Son maintien et son développement sont essentiels pour garantir l’accès aux soins de haute technologie qui accompagneront les médicaments de demain. Les Centres de lutte contre le cancer sont exemplaires dans ce domaine. La France a globalement maintenu sa position ces dernières années, avec notamment la création du CeNGEPS pour faciliter le recrutement des patients, et grâce à une expertise reconnue dans les domaines thérapeutiques de l’oncologie, des maladies rares, des vaccins et du cardiovasculaire. Cependant, la position de la France reste fragile. Les enquêtes menées tous les deux ans par le Leem depuis 2006, montrent un effritement des positions françaises en matière de recherche clinique. L’amélioration observée sur les délais de mise en place des essais à l’hôpital, bien que significative, reste insuffisante et il est nécessaire de poursuivre les actions en faveur de la simplification de la gestion des contrats d’études réalisées à l’hôpital.

Enfin, la campagne tarifaire 2013 s’est soldée par une baisse des tarifs des actes de 0,57% pour les établissements, alors même qu’ils ne prennent pas l’inflation en compte, depuis presque 3 ans. Comment voyez-vous l’avenir ? 
Comme notre industrie, le secteur hospitalier évolue dans un contexte de pression budgétaire maximale. Les tarifs de l’hospitalisation privée n’ont pas évolué depuis maintenant trois ans, alors même que vos charges augmentent. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les établissements privés ont le sentiment d’avoir été des acteurs responsables de la maîtrise des dépenses. Or, dans ce contexte économique extrêmement contraint, l’hospitalisation française doit faire face à des défis de plus en plus lourds. Les entreprises du médicament connaissent, elles aussi, une mutation profonde de leur modèle de recherche et de leur modèle économique. Nous avons connu en 2012 un recul historique de notre chiffre d’affaires en ville pour les médicaments remboursables et une stagnation à l’hôpital. Or, le médicament, qui ne représente que 15 % des dépenses d’assurance maladie, contribue à hauteur de 50 % aux efforts de maîtrise, et restitue dans le système de santé des gains de productivité de plus en plus conséquents. Ce qui est vrai pour le médicament l’est aussi pour votre secteur : nous avons réalisé d’énormes efforts de productivité ces dernières années, dans un contexte de maîtrise des dépenses conduisant à une récession de notre chiffre d’affaires. Il appartient aux pouvoirs publics de ne pas décourager les acteurs les plus vertueux et les plus efficients du système de santé, et de ne pas étouffer le dynamisme de ces secteurs qui contribuent fortement à l’économie et à l’emploi.