Professeur Corinne VONS, chirurgien digestif et général, présidente de l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA)

Parlez-nous de vos nouvelles fonctions…
J’ai travaillé pendant 6 ans comme secrétaire générale de l’AFCA aux côtés de Jean-Pierre Triboulet qui était président. Grâce à lui, l’AFCA est devenue un interlocuteur incontournable de toutes les instances concernées par le développement de la chirurgie ambulatoire. Ce poste de présidente est pour moi une immense responsabilité. Mais il va me permettre de prendre de la hauteur par rapport à ma participation aux missions de l’AFCA :
1) promouvoir le développement de la chirurgie ambulatoire en France, associant qualité des soins et sécurité des patients;
2) promouvoir son enseignement et les travaux de recherche ainsi que les publications scientifiques qui s’y rapportent.
En tant que présidente, je serai peut-être plus flexible qu’avant, plus « politique ». Mais je n’en serai que plus déterminée à atteindre les objectifs que j’ai présentés aux membres du conseil d’administration, lors de mon élection à la présidence de l’AFCA, et plus précisément ceux que j’ai choisi d’atteindre pendant mon mandat.

Quels objectifs souhaiteriez-vous atteindre et quelles sont vos priorités ? Je souhaite pouvoir rendre l’AFCA encore plus efficace pour remplir ses missions. Depuis 6 ans, des adhérents de plus en plus nombreux ont rejoint l’AFCA. Nous venons de constituer un nouveau conseil d’administration de 15 membres où siègent maintenant autant de chirurgiens (5 spécialités différentes) que d’anesthésistes, mais aussi un cadre de soins, un directeur d’hôpital et un médecin DIM. Marc Beaussier, anesthésiste, est le nouveau secrétaire général. Cette équipe particulièrement experte en chirurgie ambulatoire doit garder son dynamisme et travailler en réseau avec tous nos interlocuteurs, professionnels impliqués dans  la chirurgie ambulatoire, toutes les sociétés savantes de chirurgie (digestif, orthopédie, gynécologie, urologie, ORL, maxillo-facial, plastique, ophtalmologie, etc.) et celle d’anesthésie (la SFAR), mais aussi les institutions avec lesquelles nous avons déjà des concertations (DGOS, ARS) et des travaux communs (ANAP, HAS).
Nous allons, avec Marc Beaussier, professionnaliser ces liens, les consolider, les cadrer. Nous sommes intervenus lors de réunions à la DGOS sur des sujets comme la tarification de la chirurgie ambulatoire et nous avons pu obtenir une « incitation financière » pour certaines interventions chirurgicales. Nous sommes aussi intervenus vigoureusement avec la SFAR à propos du fameux décret publié en août 2012, qui reste pour nous un texte qui ne va pas aider au développement de la chirurgie ambulatoire et qui ne permet pas d’assurer sa réalisation dans les conditions de qualité et de sécurité nécessaires. Continuer de se battre pour la disparition de la borne basse dans la tarification des séjours de chirurgie de niveau 1 et pour la rectification de ce décret, sera un objectif constant.
Je ne peux pas ne pas mentionner la Journée nationale de chirurgie ambulatoire qui va avoir lieu pour la quatrième fois à Paris en janvier 2014, aux Salons de l’Aveyron. Jean-Pierre Triboulet et moi-même avons réussi à en faire un lieu de rencontre annuelle de tous les professionnels « ambulatoires en chirurgie et anesthésie ». Nous devons maintenir le niveau de qualité des sessions et des exposés.

Quel est l’avenir de la chirurgie ambulatoire en France ? Sommes-nous en avance dans le domaine ? L’avenir de la chirurgie est ambulatoire. Pratiquement toute la chirurgie est réalisable, à plus ou moins long terme, en ambulatoire : depuis un an que la section de chirurgie ambulatoire existe à l’Académie nationale de chirurgie, des conférenciers de toutes les spécialités sont venus nous le montrer et démontrer. Mais il faut encore convaincre d’autres chirurgiens et d’autres anesthésistes. En France, les freins sont déjà là. Malgré les incitations des pouvoirs publics, incitations financières encore modestes mais réelles, et mesures coercitives de l’Assurance maladie (mise sous entente préalable), le taux de chirurgie ambulatoire en France plafonne à 39-40 %. Nos voisins européens du Nord opèrent déjà 7 patients sur 10 en ambulatoire, les Anglais comme les Américains 8 sur 10. Et contrairement à ce que croient certains, les patients ne vont pas à l’hôtel d’en face en sortant. Les freins sont culturels en France, chez les chirurgiens, les anesthésistes, voire les patients et les médecins traitants : « on garde à l’hôpital au cas où… ». Quand on leur demande ce qu’ils craignent, ils ne savent pas trop : c’est le principe de précaution. Il n’y aura pas de chirurgie ambulatoire sans démarche de « gestion des risques », qui manque encore beaucoup dans nos services. Et la gestion des risques va avec la qualité de soins et la sécurité des patients. Mais passer de l’hospitalisation après une opération à la chirurgie ambulatoire est, vis-à-vis du risque postopératoire, une petite révolution culturelle pour les patients et une petite révolution pour les soignants (médecins et paramédicaux).
Ainsi nous ne sommes pas du tout en avance en France en chirurgie ambulatoire. Pourtant çà et là, des chirurgiens ont mordu à l’hameçon, ont compris l’avantage pour le patient et pour la profession. Cette année, il y a eu, à Lyon, la première colectomie par laparoscopie pour cancer en ambulatoire. La semaine dernière à Angers a été réalisé un Bypass pour obésité morbide en ambulatoire. Et ces « premières » résultent d’une appropriation progressive de la gestion des risques et de la maîtrise des suites opératoires.
Ainsi l’avenir de la chirurgie ambulatoire en France sera celui que nous lui construirons, et en tant que présidente de l’AFCA, je veillerai à ce que cette dernière y participe activement et efficacement.