Un article publié le 3 octobre 2013 dans le Quotidien du Médecin – Par Anne Bayle-Iniguez
APRÈS L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE du patient, place à celle du médecin ? Lors du quatrième congrès des représentants des usagers, organisé par la branche médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), des professionnels de santé ont endossé leur part de responsabilité à propos des violences en milieu hospitalier.
Devant un parterre attentif de 260 patients, le Dr Bernard Le Douarin, cardiologue libéral et coordonnateur de l’Observatoire pour la sécurité des médecins (mis en place par l’Ordre) s’est prêté à une analyse des « facteurs déclenchants » des violences envers les professionnels de santé, non sans souligner le caractère « insupportable » de ces actes. Première cause : le temps d’attente excessif. « On espère un service de qualité après avoir patienté six mois pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, et on attend trois heures de plus ! », a-t-il reconnu.
Le refus de délivrance d’un certificat, d’un médicament, d’un arrêt de travail est un autre motif de tension très récurrent. « Le médecin peut dire » non », mais pas ainsi [abruptement, NDLR] : il doit prendre le temps d’expliquer son choix », explique le Dr Le Douarin. Parfois, le manque « d’informations loyales, claires et appropriées » délivrées au patient peut générer de la « frustration », source de violence, souligne encore le représentant de l’Ordre. Bien sûr, il n’est pas question de justifier les violences ou les incivilités mais d’analyser certains de leurs ressorts en milieu hospitalier et d’améliorer les choses quand c’est possible (information accrue du patient, transparence, organisation optimale des soins…).
Humanisme.
« D’accord sur ces constats », Sylvain Fernandez-Curiel, membre du Collectif interassociatif sur la santé (CISS, usagers) a proposé quelques pistes pour diminuer les faits de violence à l’hôpital. « À l’accueil des urgences, pourquoi ne pas construire des bureaux individuels, pour recevoir les familles dans l’intimité ? », a-t-il suggéré.
Les délais d’attente interminables sans aucune explication et sans excuses doivent être proscrits, ajoute-t-il. Et dans certains cas, il faudrait « changer l’attitude des professionnels de santé, faire preuve de souplesse ». Exemple « caricatural »mais réel, cité à la tribune. « Une équipe de nuit a refusé à un père de rester au chevet de son enfant malade, règlement oblige.
L’enfant est mort. Le père m’a dit : » Si j’avais eu une arme entre les mains, je m’en serais servi » ». Indignation dans la salle.
Une représentante des usagers de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) témoigne elle aussi de façon très directe : « Si la prise en charge était optimale dans notre service d’orthopédie, les enfants hurleraient moins et les parents se plaindraient moins ». Dans la même veine, un médecin hospitalier, âgé, regrette certaines évolutions de la pratique : « Avec les avancées technologiques, les patients ont en face d’eux des techniciens plus que des médecins. On en oublie l’empathie, l’humanisme, voire l’examen clinique ». Et de conclure, applaudi : « Ce que reprochent les patients aux médecins, ce n’est pas l’insuffisance, mais parfois la suffisance ».