3 questions au Docteur Vincent Tubert, médecin anesthésiste-réanimateur au Pôle Santé République de Clermont-Ferrand

À l’occasion de la Journée mondiale contre la douleur, le docteur Vincent Tubert, médecin anesthésiste-réanimateur au Pôle Santé République de Clermont-Ferrand, nous parle de l’utilisation de l’hypnose pour combattre la douleur.

L’hypnose ericksonienne est pratiquée pour soigner la douleur. A quels types de pathologies et de patients s’adresse-t-elle au Pôle Santé République ? L’hypnose ericksonienne en établissement de santé est très éloignée de l’hypnose de spectacle, directive, que nous avons tous pu voir. L’hypnose ericksonienne est fondée au contraire sur un principe de permissivité, de respect et d’échange entre le patient et le professionnel de santé. L’Association américaine de psychologie la définit comme une procédure durant laquelle un professionnel suggère une modification dans l’expérience du patient, au niveau des sensations, perceptions, pensées ou comportements. Au Pôle Santé République, l’hypnose est pratiquée pour réduire le stress et la douleur des patients. Nous la pratiquons sous trois formes.
La première est celle de la communication thérapeutique. Elle est pratiquée par l’ensemble du personnel au bloc opératoire, elle a pour objectif de diminuer l’état d’anxiété du patient. La communication thérapeutique s’appuie sur l’utilisation d’un langage adapté, positif, en utilisant des mots choisis, avec un rythme, un timbre, une modulation de la voix qui orientent le patient vers le confort et la détente.
Le deuxième niveau de pratique est l’hypnose conversationnelle. Elle s’adresse a des patients devant bénéficier de petits gestes techniques, tels que la pose d’une perfusion, la réalisation d’une ponction… Elle associe la communication thérapeutique à une focalisation sur un écran (scope, échographe..), sur la respiration, ou sur un souvenir agréable. Le but de cette focalisation est d’absorber l’attention du sujet qui devient indifférent à une partie de la réalité du bloc opératoire et de l’acte technique.
Le troisième niveau est l’hypnose formelle ou plus exactement l’hypnosédation (association à des anesthésiques locaux et/ou à des morphiniques) qui a pour objectif de stabiliser la focalisation pour réaliser des actes plus longs. Elle associe des éléments de communication thérapeutique, d’hypnose conversationnelle et de dissociation. La  dissociation peut être obtenue spontanément – par exemple lorsque nous conduisons notre voiture tout en discutant avec les passagers, une partie de notre conscience est consacrée à la conduite, l’autre à la conversation – ou de manière provoquée par un thérapeute. Cette dissociation au bloc opératoire a pour but de dissocier le corps ou une partie du corps du patient du soin. En maintenant cette dissociation, il est possible de réaliser des actes tels que des endoscopies digestives, des actes de chirurgie de surface (esthétique, chambres implantables…), des thyroïdectomies…..

Quels sont les résultats obtenus jusqu’à présent ? L’hypnose thérapeutique permet de réduire significativement l’anxiété péri-opératoire qui est une source de complications bien connue. L’état hypnotique réduit les perceptions douloureuses en activant des zones cérébrales spécifiques. Cette réduction de la douleur ressentie est de l’ordre de 50% en moyenne, l’hypnosédation ne permet donc pas de réaliser des actes extrêmement douloureux mais autorise une diminution sensible de l’utilisation des produits anesthésiques. Après une phase d’explication, l’hypnose est généralement extrêmement bien accueillie par les patients. Ils perçoivent l’opportunité d’être acteurs de leurs soins et de modifier la relation médecin-patient souvent froide et technique en une relation faite d’humanité et d’échange. Il en est de même pour les praticiens, médecins ou infirmières. Les patients qui bénéficient de techniques hypnotiques sont le plus souvent ravis de cette expérience qui leur a permis de découvrir leurs ressources personnelles et qui leur ouvre de nouvelles perspectives dans la relation au soin.

Où en est l’hypnose en France ? La France est extrêmement bien positionnée sur ce sujet et on observe, dans notre pays, une explosion des formations sur l’hypnose. Les programmes des congrès scientifiques proposent régulièrement des conférences ou des ateliers sur ce thème. Le prochain président de la société internationale d’hypnose est un médecin français, le docteur Claude Virot, et Paris accueillera en 2015 le congrès international d’hypnose.