Troisième Plan cancer présidentiel

Voici le communiqué de presse envoyé hier aux médias :

La Cancérologie libérale et hospitalière privée salue la présentation du troisième Plan cancer présidentiel tel que dévoilé et officialisé par le Président de la République ce mardi 4 février, journée mondiale du cancer. Cette date porte sens, d’autant plus que cette annonce a été faite lors des Rencontres de l’INCA qui rassemblaient l’ensemble de ce que le président a fort justement appelé la communauté des cancérologues et des patients. Ces Rencontres ont été de très grande qualité, avec des interventions françaises et étrangères qui renforçaient les ambitions affichées par le Plan, sur des sujets comme, par exemple, celui de la lutte contre le tabac ou celui des priorités en matière d’orientation de la recherche en période de budgets contraints.
Le président Hollande a souligné la continuité de ce Plan avec les précédents : « La lutte contre le cancer est l’une des grandes causes qui fédère, qui rassemble, au-delà des sensibilités, des clivages, des alternances. » Il a confirmé l’orientation qu’il avait donnée aux travaux préparatoires, en décembre 2012, lorsqu’il avait affirmé que ce troisième Plan concernerait tous les patients où qu’ils soient pris en charge : « ce troisième plan sur la lutte contre le cancer s’est fixé comme objectif et comme ambition de donner les mêmes chances à tous, partout en France, pour guérir du cancer. »
Il n’y a donc pas rupture, car ce troisième Plan cancer assure très heureusement la continuité avec ce qui a déjà été entrepris mais il en élargit le champ en proposant une approche globale intégrant la prévention qui prend enfin toute sa place, le dépistage, le soin, la recherche et l’après cancer tout en privilégiant, à chaque fois, la lutte contre les inégalités. Parmi les 17 objectifs, 57 sous-objectifs, 189 actions, 426 mesures, très nombreux sont ceux ou celles qui aideront les malades, favoriseront la prévention et l’efficience des professionnels qui se consacrent à la lutte contre le cancer.

Ce troisième Plan cancer apparaît pourtant comme insuffisamment achevé.

De très nombreuses actions ou mesures ne précisent pas encore qui seront les pilotes responsables de leur mise en œuvre. Elles ne définissent pas non plus les indicateurs permettant de mesurer leur réalisation. Leur financement est affirmé et un budget de 1,5 milliard d’euros sur 5 ans est annoncé, dont la moitié de mesures nouvelles, ce qui traduit un effort de la nation du même ordre que pour le dernier Plan. Cela est donc considérable et donne la mesure de nos responsabilités en ces temps de crise.
Mais la mise en place effective de ces mesures dépend aussi de la cohérence des politiques sanitaires. En ce début d’année nous avons eu les annonces de la dégressivité tarifaire, d’une nouvelle baisse des GHS de chimiothérapie, des récupérations au titre du CICE, le K15 de chimiothérapie n’est toujours pas réformé, le rapport de la DGOS concernant l’anatomocytopathologie est encore au placard, la subvention est souvent préférée au tarif et au contrôle… La mise en place effective des mesures du Plan dépend donc de la volonté politique de l’État et de l’impartialité de ses services et de ses agences, impartialité que nous appelons de nos vœux.
Il y a là une vulnérabilité qui justifie le pilotage stratégique fort que le Plan confie en particulier aux ministères de la Santé et de la Recherche.
La cancérologie libérale et hospitalière privée est de loin le plus important des acteurs de la lutte contre le cancer puisqu’elle dépiste et diagnostique plus des deux tiers des patients et qu’elle en soigne près de la moitié. Elle mesure les responsabilités qui sont les siennes comme celles de la communauté des soignants de tous statuts. Ces responsabilités sont renforcées par l’effort de la nation ainsi décrit et confirmé. La cancérologie libérale et hospitalière privée est prête, comme par le passé, à apporter son concours sur tous les champs de la lutte contre le cancer. Elle demande pour cela que les professionnels de tous statuts et leurs organisations représentatives soient plus clairement associés au dispositif de conception, de mise en place et d’évaluation de ce nouveau Plan.

Compléments au communiqué du 10 février 2014

En attendant de pouvoir faire une analyse plus poussée des très nombreuses mesures préconisées par le nouveau Plan Cancer et compte tenu de la très grande discrétion dans laquelle il s’est élaboré, la Cancéro-logie libérale et hospitalière privée :

se réjouit de l’accent mis sur la prévention et sur la distinction enfin clairement affirmée entre prévention et dépistage. Cette prise de conscience de l’importance de la prévention soulève de grands espoirs de progrès dans la lutte contre le cancer.

Elle note, entre autres, avec satisfaction :

  • la consolidation de l’organisation du dépistage et de celle des réseaux, la sagesse ayant fait re-noncer à certaines des ruptures annoncées ;
  • la reprise de certaines mesures des Plans Cancer précédents, en particulier celle concernant le système d’information relatif à la radiothérapie : les patients pris en charge par la radiothérapie libérale (plus d’un sur deux) vont enfin apparaître dans les statistiques nationales !
  • un certain nombre de décisions ponctuelles mais importantes et significatives, comme, par exemple, celles concernant le parc d’IRM ou la création d’un comité de concertation et de pro-positions concernant la cancérologie au sein du CORETAH ;
  • la mise en place d’indicateurs de résultats, concernant en particulier les délais de prise en charge, comme elle le demandait depuis longtemps. Un gros travail technique reste maintenant à faire pour assurer leur bon fonctionnement. Il faudra pour cela associer les professionnels ;
  • la reprise d’une bonne partie des propositions du Livre Blanc de la radiothérapie, malgré quel-ques manques comme par exemple pour ce qui concerne le nécessaire développement de la ra-diobiologie ;
  • l’objectif consistant à multiplier par 6 le nombre de tumeurs analysées du point de vue généti-que pour atteindre 60 000 en 2018. Des moyens sont dégagés (60 millions) et les organisations nécessaires prévues ;
  • le maintien annoncé des formations qualifiantes en oncologie, même si les modalités restent encore à définir, mais la France va peut-être enfin pouvoir rattraper son retard en la matière. Il en est de même pour l’effort annoncé en matière d’ouverture de l’ACP aux formations à la bio-logie moléculaire ;
  • une prise en charge effective des dimensions sociales et une volonté nouvelle de lutter contre les vraies inégalités ;
  • le renforcement de la lutte contre le tabac et les principales addictions…

regrette le caractère inachevé de ce Plan sur de nombreux points.

Le fait que :

  • les pilotes responsables des actions décrites ne soient pas désignés,
  • les indicateurs d’évaluation de leur mise en place effective ne soient pas définis
  • et, en conséquence, que la vérification préalable de l’existence des données nécessaires n’ait pas pu être faite, marque un recul dans la dynamique de rédaction des plans de santé publique.

Ses demandes concernant une meilleure articulation entre l’État, ses services, ses agences et l’assurance maladie n’ont pas été suivies. Une accessibilité accrue aux bases de données SNIRAM, aussi souhaitable soit-elle, ne suffira pas à intégrer nos professions aux dispositifs d’aide, de soutien ou de simple prise en compte auxquels elles devraient avoir droit comme les autres.

Beaucoup de mesures peuvent apparaître comme de simples intentions tant leur rédaction manque des précisions techniques nécessaires.

Ainsi par exemple :

  • l’intention ancienne réaffirmée ici de développement des inclusions dans les essais clini-ques sans qu’aucun changement ne soit prescrit dans les organisations actuelles qui ont montré leurs très grandes limites pour les CH comme pour les établissements privés ;
  • si les Réseaux Régionaux de Cancérologie sont reconnus, si la nécessaire clarification des multiples intervenants en coordination est notée, le Plan en reste à la notion de réseaux ter-ritoriaux en oubliant de dire que ce sont des « réseaux de santé », tels que prévus au Code de la santé, mais qui ont bien besoin d’être consolidés, malgré tous les discours sur l’approche « parcours » ;
  • l’ACP est centrale et décisive en cancérologie moderne. Hélas, le Plan ne cite pas le rapport de la DGOS de 2012, resté lettre morte, mais qui, lui, avait pris la mesure des réformes et des réorganisations nécessaires ainsi que des exigences s’imposant en termes d’impartialité de l’Etat sur ce dossier décisif. Rien n’est dit par exemple sur l’ouverture de la réalisation des actes de technique moléculaire au secteur libéral ;
  • La prise de conscience et la prise en compte du manque d’IRM sont positives mais les ob-jectifs en termes de délais d’accès des patients sont en retrait sur ceux du 2e Plan Cancer et le montant de 15 millions d’euros est un progrès mais reste insuffisant pour combler notre retard ;
  • l’ouverture des prescriptions aux infirmières peut poser problème et ne peut être la réponse aux déficits démographiques de l’oncologie médicale, pas plus d’ailleurs que la « Formation Spécialisée Transversale » annoncée…

s’inquiète :

  • de la résurgence d’une conception de la cancérologie fondée sur une approche hiérarchisée et graduée. Cette conception avait été abandonnée en particulier depuis la circulaire de 2005 car elle ne correspond pas aux exigences de la qualité des soins en cancérologie. Les nécessaires spécialisations ne peuvent être confondues avec une graduation résultant trop souvent de choix peu rationnels ;
  • de la non prise en charge des problèmes spécifiques de la médecine libérale. Ces problèmes sont nombreux et, conjugués avec le délaissement des Tutelles, se traduisent, entre autres, par une démographie en chute libre. Cela est lourd de périls pour l’efficience du système. De plus, elle considère comme dangereux pour l’exercice de la médecine et, de surcroît, at-tentatoire aux règles de la concurrence, le fait que la régulation des revenus des médecins libéraux soit réduite à l’application de l’avenant 8 à la Convention, sans garantie concomi-tante concernant le reste à charge pour les patients, reste à charge dont elle demande depuis longtemps la suppression.