3 questions au Dr Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre

Dr Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre (UFML)

Le parquet de Paris a ouvert vendredi dernier une enquête préliminaire visant l’ancien conseiller politique de François Hollande, le docteur Aquilino Morelle, pour ses liens passés avec des laboratoires pharmaceutiques. L’UFML a réagi immédiatement.

Dites-nous pourquoi l’UFML demande la réécriture du « Sunshine Act » ?
Le « Sunshine Act » a été créé pour lutter contre les conflits d’intérêt entre les médecins et les grands groupes pharmaceutiques. D’après les législateurs, les cadeaux offerts influenceraient les médecins ensuite dans le choix des fabricants et des médicaments prescrits. Selon le décret « Sunshine Act », projet initié par Xavier Bertrand et signé par Marisol Touraine et dont Aquilino Morelle était le principal artisan, l’industrie pharmaceutique est désormais tenue de déclarer tout avantage au bénéfice d’un médecin d’une valeur supérieure ou égale à dix euros et d’en préciser la nature (repas, invitation, livre etc.). L’UFML s’était exprimée à l’époque pour souligner les limites de ce décret qui exclut de toute obligation de publication, les avantages reçus en échange de services rendus dans le cadre d’un contrat. Or, c’est bien à travers des « contrats de conseil » que se déroulent les activités de lobbying telles que celles fournies par Messieurs Morelle et Cahuzac, officiant dans les couloirs des diverses institutions concernées par les produits de santé. Cette fausse transparence est inacceptable car elle jette encore la suspicion sur les médecins prescripteurs tout en protégeant les vrais, les gros, conflits d’intérêts. Ce « Sunshine Act » doit être réécrit afin que nul ne puisse échapper à la déclaration de ses conflits d’intérêts surtout lorsque ceux-ci sont majeurs.

Faut-il donc élargir le « Sunshine Act » ?
Il faut que chaque lien tissé entre le corps médical et une quelconque industrie soit visible et traçable, sans aucune exception. De la même façon, chaque personne entrant au gouvernement se doit de lister tous les éventuels conflits d’intérêt dus à des contrats passés ou d’anciens emplois. Les conflits d’intérêts présumés du Dr Morelle quand il était salarié de l’IGAS ne serve qu’à révéler une situation plus générale. Nous souhaitons plus de transparence de la part des élus et de tous les interlocuteurs qui sont directement ou indirectement des décideurs en santé, sans que cela soit réservé aux seuls médecins. Ceci se pratique dans certains pays, mais il semblerait que la France ait encore du mal avec cet exercice.

Le « Sunshine Act » reste-t-il, selon vous, la bonne solution ?
Disons que c’est une partie de la solution. L’original se pratique dans les pays anglo-saxons ou du Nord de l’Europe et cela marche plutôt bien. Le problème est qu’en France, nous avons réduit ce « Sunshine Act » que nous avons réajusté selon nos besoins. Sinon la version originale non falsifiée permet d’assurer une certaine transparence dans les échanges entre médecins et industriels. Les interactions entre médecins et industrie pharmaceutique sont inévitables, nous ne pouvons pas empêcher l’intrication entre ces deux milieux, mais nous pouvons au moins veiller à ce que tout soit scrupuleusement déclaré.