3 questions à Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’Hôpital européen Georges-Pompidou.

Philippe Juvin, député européen (UMP), chef du service des urgences de l’Hôpital européen Georges-Pompidou.

Comment envisagez-vous la stratégie nationale de santé et la future loi de santé présentée le 17 juin prochain dans les locaux du ministère de la Santé ? À mon avis, elle relève malheureusement d’une vision incantatoire de la médecine et témoigne d’une absence de colonne vertébrale très gênante. Le rapport Devictor se perd dans des débats rhétoriques pour savoir s’il vaut mieux employer le terme « service public de santé » ou « service territorial de santé ». On nous parle de « choc de coopération », de « choc de responsabilisation », de « choc de simplification ». Pour moi, il s’agit d’un rideau de fumée pour maquiller le fait que Marisol Touraine a du mal à tenir ses promesses électorales. Elle maquille sous des formules percutantes un discours d’une profonde vacuité et des mesures d’évidente austérité.

Comment l’expliquez-vous ? Depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République française, nous avons assisté à une destruction systématique des mesures que nous avions mises en œuvre pour réformer l’hôpital en profondeur. La convergence avançait doucement mais sûrement, les déficits étaient en voie de résorption, la réorganisation de l’offre sur le territoire tendait à plus de rationalité. On nous a accusé de vouloir faire de l’hôpital une entreprise, et pendant la période électorale, on nous a annoncé que la loi HPST était diabolique, qu’elle démantelait le service public, tout comme la T2A… Aujourd’hui, c’est le retour du refoulé économique : le gouvernement se trouve obligé d’enclencher des mesures d’une très grande austérité parce qu’il n’a pas su, deux ans auparavant, accompagner un effort de changement qui aurait été beaucoup plus doux s’il ne s’était pas produit par à-coups.

Vous êtes député européen. Comment le système de santé privé est-il perçu à Bruxelles ? Vous savez, vu de l’extérieur, le système de santé français n’est pas compris. Le différentiel tarifaire, par exemple, apparaît comme incompréhensible : que des établissements pratiquent la même mission et soient rémunérés différemment est difficilement concevable. D’une façon générale, la France est vécue comme un objet de perplexité. L’absence de direction claire et de réformes fermes, alors que l’Europe entière s’est adaptée à la crise, est pointée du doigt. Nous sommes à la traîne, et nous continuons à désigner l’extérieur comme responsable de nos retards. La France et l’Allemagne ont le même nombre de lits d’hospitalisation publique, pour une population en Allemagne de 20 % supérieure. Sommes-nous pour autant moins bien soignés de l’autre côté du Rhin ? Je ne le pense pas. Le système de santé français est reconnu, mais on le sait aussi extrêmement coûteux.