3 questions au Dr Éric Henry, président du Syndicat des médecins libéraux

Dr Éric Henry, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). Projet de loi de santé « j’envisage le pire ».

Où en est-on sur le débat du tiers payant généralisé et que peuvent encore attendre les opposants à ce projet ?
Cet article sur le tiers payant généralisé fait partie de ceux sur lesquels le gouvernement tient absolument à réussir. Il a été réécrit, rééchelonné dans le temps, mais il est maintenu. La question de l’obligation pour les médecins de l’appliquer se pose : dans le texte, il est stipulé qu´à partir du 30 novembre 2017, les médecins appliquent le tiers payant généralisé. Une fois que c’est inscrit dans la loi, les patients ou groupes qui les représentent, pourront se retourner contre les médecins qui ne l’appliquent pas. Et des opérations detesting sont également prévues, nous risquons d’être contrariés, les armes pour le faire ont été forgées. Un autre grand risque est que tout cela se passe en dehors du cadre de la sécurité sociale. Il n’y a donc rien à attendre : il faut continuer à se battre pour le retrait de cette loi, tant que la ministre restera sur sa position.

Après les élections départementales, un remaniement ne semble pas être à l’ordre du jour, comment envisagez-vous la fin du mandat de Marisol Touraine ?
J’envisage le pire ! Même si la ministre démissionnait, cela ne voudrait pas dire que la loi de santé serait pour autant supprimée. Le gouvernement de gauche a subi un sérieux revers le week-end dernier et la volonté de montrer à son propre camp la capacité à tenir à l’adversité n’en sera que plus grande. Je pense que malheureusement la loi va être instrumentalisée pour cliver encore davantage le débat – d’autant que les opposants, médecins et dirigeants de cliniques privées, nous correspondons bien à l’image de l’ennemi – et cela permettra de raviver le conflit entre droite et gauche. Cette loi est pourtant un faux marqueur de gauche, c’est ce que nous allons démontrer en restructurant le mouvement du 15 mars en signifiant que nous allons continuer.

Quelles sont justement les actions prévues, sachant que les deux prochaines semaines la loi de santé sera discutée à l’Assemblée nationale, pour obtenir le retrait de la loi ?
Ce mardi, nous nous sommes réunis pour marquer l’unité syndicale de notre mouvement et montrer notre rejet de cette loi, notamment de façon très symbolique devant l’Assemblée nationale. Diverses actions concertées, par exemple celle de l’UFML qui plante une tente devant le Parlement, ont eu lieu, mais c’était aussi l’occasion de se réunir pour décider des actions à venir. Le Premier ministre, Manuel Valls, et la ministre de la Santé, Marisol Touraine, se sont enfermés dans leur monde et ignorent les cris du peuple, j’estime que c’est une stratégie suicidaire. On va continuer à se battre et organiser une manifestation encore plus spectaculaire que celle du 15 mars. Nous envisageons aujourd’hui des actions auprès des sénateurs et des parlementaires pour les sensibiliser à la problématique sociétale de cette loi et leur communiquer le désir du retrait de cette loi par tous les professionnels de santé qui estiment que ce projet ne répond ni aux problématiques sanitaires de la société de demain, ni aux problématiques du monde médical dans son ensemble. Pour le maintien d’une médecine à la française que les Français plébiscitent toujours. Dans ce but, si le gouvernement français poursuit dans son attitude en tentant un passage en force de la loi de santé, les syndicats de médecins libéraux sont prêts à envisager un blocage sanitaire national pour faire part, une nouvelle fois, de leur insatisfaction. Il est grand temps d’aborder de manière constructive les problématiques de notre système de santé dans l’intérêt des Français et de leurs professionnels de santé. La grande conférence de santé annoncée par Manuel Valls est l’occasion rêvée pour ouvrir cette profonde réflexion dans le respect de la démocratie sociale, si chère à notre Président.