3 questions à Pierre Gattaz, président du Medef

Pierre Gattaz, président du Medef

Avec une baisse de 2,5 % des tarifs, la campagne tarifaire 2015 est historique, elle n’est pourtant que la 1e étape d’un plan triennal d’économie, le pire est ainsi à venir, faut-il s’accommoder de la situation jusqu’en 2017, ou encore quelles seraient les actions raisonnables à mener ?
Cette baisse de 2,5 % des tarifs infligée aux hôpitaux et cliniques privées est absolument inadmissible. Il est intolérable que les cliniques et hôpitaux privés financent les emprunts contractés par les hôpitaux publics. Il faut remettre à plat notre système de santé et engager des réformes structurelles afin de pérenniser un système globalement satisfaisant. Pour cela, il convient de rationnaliser les dépenses hospitalières qui, en France, représentent 36 % de nos dépenses de santé contre 29 % dans la moyenne des pays de l’OCDE. Le Medef a formulé récemment des propositions en ce sens : développer les  alternatives à l’hospitalisation complète, développer la chirurgie ambulatoire, réduire  les surcapacités de avérées de lits… Au-delà, il faut clarifier la gouvernance du système de santé en précisant le rôle de chaque acteur et améliorer le pilotage des dépenses. Enfin, il faut préserver un environnement favorable à l’innovation. Le secteur de la santé connaîtra dans les années à venir une véritable « révolution » liée au développement des innovations technologiques. L’un des enjeux majeurs sera de faire en sorte que ces progrès techniques, qui suscitent d’immenses et légitimes espoirs chez les patients, se traduisent par une meilleure efficience du système.

Le secteur de la santé pèse presque 12 % du PIB, le Premier ministre a déclaré aimer les entreprises, celles de l’hospitalisation sont-elles des exceptions ?
Les cliniques et hôpitaux privés sont systématiquement ponctionnés alors qu’ils dispensent des soins de qualité pour tous et à des tarifs inférieurs de 22 % à ceux de l’hôpital public. On fait porter l’essentiel du poids des économies sur les industries et les entreprises de santé dont les performances, reconnues dans le monde entier en matière d’innovation (thérapies géniques, chirurgie mini-invasive, robotisation, télémédecine, hôpital numérique…), vont dans les années à venir remodeler le système de santé dans le sens d’une amélioration des soins, de la prévention. Le secteur privé de la santé doit être pris en considération à proportion de son poids économique. Les industries et services de santé représentent dans leur ensemble près de deux millions d’emplois, soit 9 % de la population active. C’est loin d’être négligeable.

Jusqu’à quel point les entreprises sont-elles prêtes à supporter les charges liées à la couverture sociale ? Vers quelle nouvelle modélisation économique doit-on tendre ?
Il faut revoir notre système de protection sociale qui  est à bout de souffle. Et s’il est à bout de souffle, c’est notamment parce que son financement repose de façon déséquilibrée sur les revenus du travail et les entreprises : les cotisations patronales représentent 44 % des recettes affectées à la protection sociale, contre 34 % en Allemagne.  Avec les conséquences que l’on connaît : un renchérissement du coût du travail qui pèse sur la compétitivité des entreprises et, in fine, sur l’emploi. Accroître la participation du secteur privé dans la couverture sociale de base ne ferait qu’alimenter ce cercle vicieux et aggraver, à terme, la situation financière de la protection sociale. Il faut absolument « moderniser » notre modèle social, c’est-à-dire l’adapter au modèle économique qui s’est entièrement renouvelé sous l’effet de la mondialisation. Il ne peut y avoir de solidarité réelle sans rénovation profonde de notre  modèle social.