Interview de Claude Rambaud, Co-présidente du CISS et vice-présidente du Lien

La prévention primaire est aujourd’hui médicalisée

Vous venez de publier avec Jean-Pierre Thierry, «Trop soigner rend malade »,  quelles étaient vos motivations ?

Depuis 10 ans, au sein de l’association Le Lien, je constate que environ 30% des dossiers de complications médicales comportent un acte inutile. Aujourd’hui, nous avons les éléments de preuves et tout est documenté dans notre livre. Nous constatons que quand on est mauvais sur la pertinence des soins, il y a de fortes chances pour qu’on soit mauvais partout. En 2013, nos Etats généraux avaient déjà pour fil rouge la pertinence des soins, cela a accéléré l’émergence de cette notion essentielle.

Vous dénoncez la fabrication de malades artificiels, que voulez-vous dire ?


Depuis de nombreuses années, et c’est arrivé tout doucement, nous assistons à une baisse des normes biologiques avec la complicité involontaire de tous les acteurs. Aux Etats-Unis, un article récent incite à traiter les patients dès 12 de tension systolique.  Une tendance vérifiée pour d’autres pathologies comme le diabète, le taux de PSA, etc. Ces effets de seuil sont catastrophiques. Les big data nous permettent de vérifier qu’il est faux de penser qu’en soignant les personnes plus tôt, ça ira mieux. Nous faisons ainsi entrer dans le système de santé des millions de patients pour lesquels une prévention primaire simple – pour beaucoup, une meilleure hygiène de vie suffirait – dans un process médicalisé avec tous les effets secondaires que cela produit et qui au final rend les personnes réellement malades. C’est un biais du système contre lequel nous nous élevons et contre lequel lutte aussi la HAS. Les firmes portent une responsabilité importante car pour créer de nouveaux marchés, il faut créer de nouveaux malades. La sécurité sociale doit arrêter de rembourser tout et n’importe quoi.

Que proposez-vous ?


Nous proposons une co-décision du malade avec son médecin. Je voulais titrer le livre  » Vous n’êtes peut être pas aussi malade qu’on vous le dit ». Les médecins sont honnêtes et ont tous envie de bien soigner leurs patients, si le patient interroge son médecin : « docteur, êtes-vous sûr que c’est nécessaire ? », nous misons sur les quelques secondes de réflexion avant sa réponse pour revenir à des conseils simples. C’est avec les médecins que nous allons gagner cette bataille.