Grigorios Sarafianos Président de la Fédération des hôpitaux privés grecs (Panhellenic Union of Private Clinics), membre du CA de l’Union européenne des hôpitaux privés (UEHP)

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L’Europe à l’âge des “Smart Hospitals”, la Grèce à l’heure du déclin de son système de soins

Comment qualifiez-vous l’état de santé du système sanitaire grec ?
Le système de santé en Grèce est malade au sens propre du terme. Tous ceux qui se sont rendus dans un hôpital public grec dernièrement ont pu se rendre compte des délais de plusieurs heures pour pouvoir être examiné, de l’impossibilité de bénéficier d’examens corrects faute équipements qui fonctionnent, de la liste d’attente outrageante pour se faire opérer, délai qui peut être fatal pour le patient, du manque de matériel, de dispositifs médicaux, de médicaments, de blouses pour les personnels, des chambres sans draps, oreillers, couvertures et articles d’hygiène, etc.

Malheureusement, le memorandum inclut la santé dans les obligations de réduction de dépenses, au lieu de nous accompagner dans des réformes de fond du système de santé qui permettraient de juguler les coûts opérationnels avec la fusion d’hôpitaux et cliniques, pour optimiser le taux d’occupation, permettre la mobilité des professionnels de soins et médecins, la fusion des laboratoires de diagnostics, le regroupement des achats et la rationalisation des coûts opérationnels, etc. Au lieu de cela, nous assistons à l’asphyxie du système avec des patients qui, du fait de leur manque de moyens financiers, ne peuvent pas se tourner vers le secteur privé et une Sécurité sociale nationale qui ne délivre des fonds que lorsqu’elle le veut et autant qu’elle veut.

Comment réagit le secteur privé ?
Le secteur privé doit faire preuve d’empathie et de devoir social. Il est de notre devoir de produire des soins en se substituant ou en complémentarité du service public, en assurant l’égalité d’accès et la qualité des soins, l’efficience, en apportant des services de qualité basés sur les standards internationaux, sans liste d’attente, en utilisant les nouvelles technologies et la télémédecine, et le potentiel énorme qu’elles représentent, et en nous adaptant au progrès de la science médicale, des nouveaux traitements et de la révolution informatique.

Cette tâche s’avère toutefois difficile, à l’heure où les cliniques privées sont soumises à un taux de TVA qui est passé de 13 à 24 %, reçoivent les paiements de l’Assurance maladie, dans le meilleur des cas, avec 8 mois de délais, et que ces remboursements sont plafonnés par la loi à 50 % des montants facturés. Le budget total alloué au secteur privé pour soigner les presque 11 millions de Grecs est de 235 millions d’Euros, alors que les coûts effectifs des soins dispensés aux patients qui choisissent le secteur privé sont de 470 millions d’euros.

À l’aube d’un nouvel âge de développement dans les autres pays, la Grèce restera en recul tant que le mémorandum sera en vigueur. Le secteur privé dans ce pays veut être moteur de ces nouvelles évolutions et relever le challenge de l’avenir. La santé est un bien commun et la liberté de choix des patients de leur médecin et de leur hôpital, indépendamment du secteur, est un droit.

L’espérance de vie est en recul, notre population est de plus en plus âgée, l’émergence de nouvelles maladies demande d‘être innovants et en même temps précis dans les examens et diagnostics, médication et traitements, et ce, dans une période où les cotisations versées à l’Assurance maladie sont en recul perpétuel. Sur le moyen terme toutefois, les investissements dans la santé conduiraient à des résultats bénéfiques avec une population en bonne santé, intégrée dans un processus de développement et de production.

Inutile de dire qu’il est du devoir d’un État de sécuriser une offre de soins pour tous les citoyens, en collaboration avec le secteur privé, là où le secteur public est déficient. L’État doit cependant tenir ses promesses et couvrir les dépenses de soins que nous assurons démocratiquement, avec le meilleur niveau de qualité possible. Les allocations doivent être réajustées et divisées équitablement entre les secteurs public et privé, non pas sur une base idéologique, mais basées sur le choix et les besoins des patients.

Une politique dogmatique signifie la fin du secteur privé qui se bat au jour le jour pour sa survie.

Un système de santé sans secteur privé, sans cliniques ni laboratoires privés, avec un secteur public en dysfonctionnement, signifie retourner à un niveau sanitaire digne d’un pays du tiers monde avec un système de santé à deux vitesses, ceux qui n’y ont pas accès et ceux qui peuvent se payer du soin.
La Grèce et les Grecs méritent un service de santé de qualité, sûr, efficient et sans discrimination, avec un libre accès aux nouvelles technologies et traitements modernes de niveau européen. N’oublions pas que la Grèce est le berceau de la civilisation européenne et le pays d’Hippocrate.

Des chiffres apocalyptiques

La crise sanitaire qui se propage en Grèce est endémique :

  • Augmentation de la mortalité infantile de 43 %, des petits poids à la naissance de 16 %, de la mortalité néonatale de 32 % (2008-2011) – soit un doublement en chiffre absolu (1)
  • Diminution de plusieurs couvertures vaccinales
  • Augmentation des hospitalisations dans les hôpitaux publics de 37 % (2009-2011) (2)
  • Diminution de 50 % des dépenses totales du ministère de la Santé depuis 2008
  • Instauration d’un ticket modérateur de 5 € pour les soins ambulatoires en hôpital précédemment gratuits (2011)
  • 25 % des Grecs n’ont plus de couverture santé (3)

La crise sociale augure d’une crise sanitaire sans précédent :

  • Taux pauvreté infantile : de 23 % à 41 % (entre 2008 et 2012) (4)
  • Augmentation du taux de suicide de 35,7 % en 2012 (5)
  • 2,5 millions sur 10,77 millions de Grecs vivent sous le seuil de pauvreté (6)
  • Taux chômage (mars 2015) : 25 % (stop des indemnités et de la couverture maladie après 12 mois) (7)
  • 28 % des Grecs vivent dans des logements surpeuplés (8)
  • 30 % disent ne plus pouvoir se chauffer en hiver (9)

Sources :

Rapport Médecins du Monde
(1) OMS ; OECD data: stats.oecd.org/index.aspx?DataSetCode=HEALTH_STAT. Last accessed on 16/02/2014.
(2) Études annuelles sur les hôpitaux réalisées par l’Autorité statistique grecque, et la base de données du Système nationale de santé (ESY).
(3) OECD Directorate for Employment, Labour and Social Affairs. op. cit.
(4) UNICEF. Children of the Recession: The impact of the economic crisis on child well-being in rich countries. Florence: UNICEF 2014.
(5) National data from the Hellenic Statistical Authority.
(7) Ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Unemployment_statistics.
(6-8-9) Hellenic Statistical Authority. Statistics on income and living conditions 2013 (income reference period 2012).