Dr Gérald Kierzek, Urgentiste à l’AP-HP

L’objectif est de décloisonner nos deux systèmes public et privé

Selon vous, doit-on obliger les soignants à se vacciner contre la grippe ?  
Oui, j’y suis favorable, c’est un point déontologique. Il y a d’autres obligations de vaccination pour les professionnels de santé sur lesquelles personne ne revient. Se vacciner contre la grippe relève de notre devoir de responsabilité.

Comment optimiser la coordination des urgences publiques et privées en particulier dans des circonstances spéciales comme celles d’une épidémie de grippe ou une vague de froid ?
Les urgences, qu’elles soient publiques ou privées, relèvent de la même mission de service public. Les patients, eux, ne font pas la différence quand il y a écrit « urgence ». Cette frontière entre public et privé est artificielle. Tous les établissements de santé doivent prendre en charge tous les patients, qu’ils aient ou non une couverture sociale, qu’ils soient solvables ou non, mais à condition que l’établissement soit correctement rémunéré car personne, ni la clinique, ni l’hôpital, ne veut travailler gratuitement car derrière les urgences, il y a évidemment le problème de l’hospitalisation.

Le système de santé français n’est-il calibré que pour répondre en période « de beau temps »?
Il n’y a pas un jour en France, surtout dans ma spécialité les urgences, où il y a du beau temps. C’est du temps agité en permanence et une petite goutte d’eau déclenche une tempête. Nous avons une épidémie de grippe, ce n’est pas Ebola, il faut relativiser, mais pourtant nous voyons que le froid, la canicule, etc. font déborder le système. Public ou privé, nous avons un système qui n’est plus capable de s’adapter.

Je suis effaré d’entendre dans les débats politiques en résumé que la droite veut tout miser sur les cliniques, et la gauche sur l’hôpital. Les deux secteurs coexistent, et d’ailleurs le système privé n’a de sens que parce que le système public existe et vice-et versa. Sur le principe, les patients ne font pas la différence. Je constate toutefois qu’ils la font de plus en plus pour des raisons financières mais l’exigence des patients, c’est la qualité des soins, et ils ont droit à cette même qualité dans une clinique comme dans un hôpital. La grande réforme est là : non pas recréer ou renforcer des frontières mais au contraire abolir les frontières entre le public et le privé. Côté patient : il n’y a pas de frontière, et déontologiquement, pour le médecin, non plus. Je devrais pouvoir exercer à la fois dans le secteur public et privé en partageant mon temps chaque fois que nécessaire sans que cela n’ait d’impact sur ma rémunération. C’est une ineptie de dire que les urgences sont engorgées car les libéraux sont en vacances ! L’objectif est de décloisonner.