Professeur Corinne Vons, Chirurgien digestif, Présidente de l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA)

Comment analysez-vous le succès des Journées nationales de chirurgie ambulatoire (JAB) ?

L’édition 2018 qui s’est tenue la semaine dernière est un franc succès. Mais ce succès ne doit pas être pris comme un effet de mode à propos d’un sujet dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Car la prise en charge en chirurgie ambulatoire constitue en France un long apprentissage pour les professionnels de soins. Et il y a encore beaucoup à faire dans les organisations, dans les enseignements, et ces journées de chirurgie ambulatoire sont là pour cela. Les avancées en chirurgie ambulatoire en France sont encore fragiles dans les établissements de soins, même si son taux national a dépassé les 50 %. Nous sommes convaincus à l’AFCA, que nous pouvons atteindre les mêmes taux de 70 % de chirurgie ambulatoire que nos voisins européens. En effet nous effectuons les mêmes actes chirurgicaux, les patients ont le même niveau de vie en moyenne, les médecins ont les mêmes compétences. Nous avons démarré en France le virage ambulatoire depuis suffisamment longtemps, son taux a cru avec une courbe ascendante douce, nous pouvons aujourd’hui mettre le pied sur l’accélérateur. Les acteurs quels qu’ils soient (médecins, paramédicaux, directeurs) ont encore besoin de formations, d’informations et d’échanges à la fois avec leurs collègues français et européens. C’est ce que nous leur proposons pendant les journées nationales de chirurgie ambulatoire.

Le Danemark était le pays invité aux JAB, que faut-il retenir de leur expérience ?

La prise en charge en ambulatoire, débutée dans les années 70, est beaucoup plus ancienne au Danemark que chez nous. Cela fait partie totalement de leur culture. Les patients sont absolument confiants. En 2015, nos confrères ont publié une étude portant sur 60 000 malades avec un taux de ré-hospitalisation de seulement 1,21 %, montrant ainsi la sécurité de cette prise en charge ! Nous avons en France des peurs de cette prise en charge qui ne sont pas du tout justifiées, et toutes ces journées d’hospitalisation pré ou post-opératoires dans nos établissements ne sont pas nécessaires. Les chirurgiens qui s’y sont lancés ont pris goût à l’ambulatoire car c’est une façon moderne de travailler et ils ne reviendront pas en arrière. En revanche, certains chirurgiens qui résistent ont simplement peur ! Il y a un travail d’information et surtout de formation à faire. En ce sens, l’AFCA est dans une position de militantisme.

Les lauréats 2017 ont eu l’occasion de partir à l’étranger dans des établissements de santé de votre réseau, qu’ont-ils retenu de cette expérience ?

Ils ont apprécié dans le nord de l’Europe les services dédiés à l’ambulatoire alors qu’en France, encore 90 % de la chirurgie ambulatoire est faite sur « un coin de table », là où la chirurgie traditionnelle lui laisse un peu de place. Notre collègue danois présentait l’idée de créer des parcours distincts avec une sorte de séparation armée de fils de fer pour mettre le plus de distance possible entre la chirurgie traditionnelle et la chirurgie ambulatoire. Enfin, nos collègues ont été impressionnés par la bonne ambiance qui régnait dans les blocs à l’étranger où la qualité de vie au travail est très importante, quand en France, on nous parle « performance », « rentabilité ».