L’Europe de la santé existe-t-elle aujourd’hui ?
L’Europe des médecins existe : le métier de médecin est le même, qu’il soit exercé à Paris, à Berlin ou partout en Europe, et malgré les différences importantes au niveau du financement, les systèmes de santé sont proches. Nous travaillons entre Européens convaincus, dans le sens de l’intérêt collectif plus que de l’intérêt corporatiste. Les médecins anglais sont vraiment anti-Brexit et les médecins européens ont tous besoin de se retrouver, de dialoguer et d’écouter les expériences des autres.
La médecine transfrontalière est extrêmement solidaire.
Mais pour ce qui est du système de santé européen, nous avons plutôt affaire à des systèmes de santé juxtaposés et pas forcément unifiés. Il n’y a pas encore vraiment de force opérationnelle sur un certain nombre de grands sujets.
Y a-t-il beaucoup de disparités en Europe entre les médecins ?
Il y a effectivement des disparités. Démographiques, en termes de revenus, de formation initiale, continue et en matière de re-certification. C’est d’ailleurs à ce sujet que nous allons travailler à Bratislava au mois de juin, car la valorisation de la médecine passe par la reconnaissance concertée de la formation initiale et continue.
Dans l’ensemble, le système français va au-delà des minimas européens. Mais pas forcément en matière de formation continue, par exemple. Les médecins roumains ou polonais ne sont pas moins bien formés que les autres, ils sont simplement formés différemment, avec d’autres critères, sur d’autres spécialités que les médecins français.
En France, nous avons maintenant 44 spécialités qui ne recoupent pas toujours les formations européennes. Dans de nombreux pays, la néphrologie par exemple est intégrée à la médecine interne. Parfois, nous sommes montrés du doigt pour une sur-spécialisation. Le résultat des courses est-il meilleur ? Si l’on regarde le rapport coût-efficacité, le système est un peu plus coûteux et sûrement un peu plus efficient aussi. Donc le rapport est peut-être un petit peu moins bon sous l’angle économique, et un peu meilleur sous l’angle des résultats. Il faut que la comparaison entre pays puisse tirer l’ensemble du système européen vers le haut.
Quelles sont les perspectives d’évolution pour construire un système de santé européen ?
Il faut travailler sur un système d’information commun au niveau des soins, des actes, des pathologies. Il faut que nous ayons un DMP transfrontalier pour nous adapter aux changements démographiques. Aujourd’hui, les gens du Nord passent leurs vacances dans le Sud, certains vont voir leurs enfants dans une autre partie de l’Europe… Tout le monde peut tomber malade hors de son pays d’origine et est en droit d’attendre un même standard en matière de soin. Les outils pour y parvenir restent à inventer. Dans ce domaine, l’intelligence artificielle peut apporter une vraie plus-value.
L’amélioration des systèmes de santé proviendra aussi beaucoup de l’implication des associations de patients, à partir du moment où elles sont structurées. C’est déjà le cas pour la néphrologie, la diabétologie, la cardiologie… Jusqu’ici, l’absence d’uniformité et de présence dans chacun des pays sont encore un frein dans le travail avec les organisations de patients.
En France, je milite pour qu’il y ait un statut commun médical quel que soit le lieu d’exercice. Pour moi, le caractère libéral du métier de médecin, c’est de pouvoir s’installer à l’endroit où l’on a besoin d’un médecin, selon sa volonté. S’il manque des médecins en clinique, à l’hôpital, en ville, s’il manque des médecins en Espagne… Un même médecin doit pouvoir s’installer dans tous ces lieux sans rencontrer de difficultés ni budgétaires, ni fiscales et ni sociales.
* European Working Group and Specialists in Free Practice