Dr Philippe Valenti, Chirurgien de l’épaule et de la main, Clinique Bizet, Paris, vice-président de l’association La chaîne de l’espoir

Soigner des populations démunies à l’étranger est pour vous un engagement de longue date. Outre cet objectif premier, quelles sont vos autres motivations ?

Pour Éric Cheysson, président de l’association, Alain Deloche, directeur général et fondateur et moi-même, chirurgien de l’épaule et de la main à la Clinique Bizet à Paris, l’humanitaire est une obligation éthique. Mais au-delà, l’humanitaire doit faire partie de la formation du chirurgien et nous souhaitons en faire un vrai plaidoyer.

Nos missions à l’étranger sont d’une durée de 3 à 8 jours et nous opérons dans des conditions standards, à savoir identiques à nos modes d’exercice en France. Généralement l’équipe est constituée dans notre spécialité orthopédique d’un ou deux chirurgiens juniors, un anesthésiste, un chirurgien senior. La mission est préparée en amont. Les chirurgiens locaux ont sélectionné les patients qui relèvent de la chirurgie pédiatrique orthopédique et réparatrice, pour ce qui me concerne, et nous ont parfois envoyé des photos, des radios via internet. Nous opérons sur place des cas peu rencontrés en Europe et soignons en 8 jours une variété de pathologies que nous rencontrons habituellement en une année de pratique. Pour un chirurgien senior qui accompagne un jeune chirurgien français ou un chirurgien du pays visité, c’est une occasion unique de transmission de son savoir. Très bien formés, les chirurgiens peuvent à leur tour faire profiter de leur savoir à une population démunie à qui nous pouvons changer la vie. Ces enfants n’auraient jamais été opérés, et je peux vous dire qu’ils vous le rendent à 500 %.

En y allant 2, 3 fois par an, vous formez une équipe locale en capacité de suivre les enfants. Nous avons publié des résultats sur 15 missions sur 15 ans et plus de 1 150 enfants. Si vous avez des chirurgiens expérimentés et motivés, vous n’avez pas besoin d’avoir des hôpitaux magnifiques !

L’humanitaire a aussi selon vous des vertus anti burn-out…

Quand je vois des chefs de service ou des chirurgiens entre 60 et 65 ans, défaitistes et souhaitant arrêter leur activité en raison de conflits avec leur administration ou tout simplement en raison d’un défaut de personnel, je leur dis : venez avec nous faire de la chirurgie cardiaque ou orthopédique au Mali, au Sénégal, en Iran… dans des structures hospitalières aux normes européennes. Vous opérerez des enfants et vous formerez sur place des chirurgiens et vous enseignerez aux chirurgiens de votre service qui vous suivront ! En Afghanistan, quand je vois une malformation le matin, je demande une IRM qui est réalisée sur place et je peux recevoir les résultats l’après-midi et l’opérer le lendemain si nécessaire. Donc nous donnons aux patients les mêmes chances qu’ici. La meilleure chose que mes confrères peuvent faire, c’est de transmettre ! Et s’ils ne peuvent pas le faire en France, le monde entier est ouvert à eux.

On ne meurt plus d’épidémies mais du manque de chirurgiens et du manque de structure. Effectivement, il faut être un peu disponible mais une fois qu’on a vécu cette expérience, on y retourne car on y trouve un autre sens à la vie.

Rencontrez-vous parfois des échecs ?

Oui, dans notre mission de formation. Nous avons formé des chirurgiens cardiaques au Vietnam qui sont ensuite partis exercer à Singapour. Certains ne veulent plus s’occuper des populations démunies car ils sont sous-payés ! C’est un semi-échec car nous avons cependant participé à l’élévation du niveau chirurgical du pays et d’autres chirurgiens resteront et d’autres patients pourront en profiter.