Pr Corinne Vons, chirurgien digestif, présidente de l’Association francophone de chirurgie ambulatoire (AFCA)

L’AFCA vient de clôturer ses Journées nationales de chirurgie ambulatoire, où en est-on ?

La chirurgie ambulatoire représente 59 % des actes en France en 2019. L’avancée se poursuit, mais notre progession est encore insuffisante pour atteindre les 70 % visés par les pouvoirs publics pour 2022.

Toutefois, nous figurons en bonne place du palmarès européen, et échangeons avec nos pairs à l’international pour répertorier ce qui fonctionne bien ailleurs.

L’AFCA identifie certains freins au développement de l’ambulatoire. Le principal facteur évoqué par les directeurs d’établissements qui ont témoigné durant le congrès, est que, lorsqu’ils investissent dans le développement de la chirurgie ambulatoire, en recrutant pour une consultation infirmière, un gestionnaire de flux, un directeur de parcours, etc., l’activité augmente et la qualité est au rendez-vous. Mais, si les établissements gagnent beaucoup en qualité, in fine ils ne rentrent pas dans leurs frais. La chirurgie en ambulatoire demande des moyens nouveaux et supplémentaires, un investissement ajouté pour son exigence accrue de qualité, de résultats immédiats et mesurables. Les tutelles doivent reconnaître ce surcoût et donner aux établissements les moyens d’investir, pourquoi pas, comme en Angleterre, mieux rémunérer la chirurgie ambulatoire que l’hospitalisation conventionnelle.

Un nouveau facteur impactant le développement de la chirurgie ambulatoire est la tendance à faire arriver à « J0 » dans les unités de chirurgie ambulatoire, tous les patients, y compris ceux qui viennent se faire opérer et ont un hébergement conventionnel. C’est une sorte de glissement organisationnel vers le plus performant, qui conduit à un engorgement des unités de chirurgie ambulatoire et un mélange des flux patients, qui semble déjà nuire à l’activité de chirurgie ambulatoire.

Qu’est-ce qui change en 2020 ?

Nos travaux avec la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR) ont abouti à une modification des recommandations par la HAS, pour la procédure de sortie des patients de chirurgie ambulatoire, qui va être intégrée à la v2020. Pour certains actes et pour les patients éligibles – devant être listés dans la charte de fonctionnement -, il sera désormais possible pour le chirurgien et l’anesthésiste de procéder à une signature « anticipée » de la sortie, sous condition que l’état du patient, vérifié par une score calculé par le personnel infirmier, soit supérieur à une certaine valeur. Dans de nombreux pays européens, c’est le personnel infirmier qui calcule le score de sortie et l’autorise.

Que peut-on apprendre de nos voisins étrangers ?

Notre congrès est largement ouvert à l’international, autant au niveau des intervenants que des visiteurs. D’ailleurs l’AFCA va s’appeler Association francophone (et non plus française) de chirurgie ambulatoire. Nous aurons de nouveaux partenaires : la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et sans doute le Canada.

L’AFCA suit de près la question des indicateurs qualité. Les meilleurs élèves en Europe sont le Danemark, la Suède et le Royaume-Uni. Ces pays suivent de façon exhaustive leurs taux d’infection du site opératoire, ont leurs chiffres au quotidien, et une possibilité de monitoring. Nous sommes en France les champions des indicateurs de performance, de moyens, mais pas de résultats. Des indicateurs tels que les déprogrammations à « J0 », les conversions le soir, ou encore les réadmissions à « 30J »,  seraient utiles pour mesurer notre qualité en ambulatoire. Plus largement, nous serions favorables à des relevés nationaux sur les infections du site opératoire, les accidents thrombo-emboliques, etc. La HAS et la CNAM sont très sensibles à cela et évoluent. Nous leur faisons remonter les informations de terrain.

L’AFCA finance par ailleurs chaque année des bourses d’immersion dans des services de chirurgie ambulatoire européens. Ces expériences sont ensuite partagées dans le cadre de nos DU, relayées au plus grand nombre. Une équipe de trois professionnels (anesthésiste, infirmier et directeur de parcours) a pu découvrir pendant deux jours un service de chirurgie ambulatoire en Norvège, un univers difficile à pénétrer dans des conditions normales. D’autres sont allés en Espagne et aux Pays-Bas.

Télécharger : Signature de la sortie de chirurgie ambulatoire sous condition, proposition de l’AFCA et la SFAR