1,2, 3 Questions du 20/04/20

Dr Jean Canarelli, président de la FHP Corse et vice-président de la FHP PACA

 En Corse, les chiffres de l’épidémie sont tous en baisse

En région Corse nous avons des zones très contrastées dans la diffusion virale. Il y a la région d’Ajaccio, cluster depuis le début, et le reste de la Corse.

La région de Bastia a eu le temps de remonter très vite la filière de contamination dès les premiers patients infectés et l’épidémie a été globalement contenue, avec quelques dizaines de cas. L’activité des établissements hospitaliers est calme, les cliniques de Bastia se sont mises au service du centre hospitalier en fournissant matériels et personnels.

La région d’Ajaccio, en revanche, est devenue très vite un cluster avec quelques centaines de cas dès que des personnes sont revenues infectées de Mulhouse et ont été tardivement diagnostiquées. Aujourd’hui le service de réanimation de l’Hôpital d’Ajaccio se vide progressivement avec actuellement une douzaine de patients atteints du COVID. La clinique de Porto Vecchio dans l’extrême sud est prête et a été peu sollicitée jusqu’alors. Globalement, le confinement est très bien respecté par la population et fonctionne en Corse. Si bien que la Clinique d’Ajaccio, support de la prise en charge des patients hors COVID, connaît aussi une activité au ralenti, liée à l’arrêt de la prise en charge hors urgences.

À Ajaccio, dès début mars, nous avons signé une convention clinique/hôpital pour définir le périmètre de la prise en charge des patients. La concertation s’est faite de façon rapide et claire : l’activité COVID + est prise en charge par le CH d’Ajaccio et nous servons d’établissement support pour l’activité chirurgicale urgente public et privé (hormis les activités de maternité, pédiatrie et thoracique, accueillies au CH) et ce indifféremment avec les praticiens de la clinique ou de l’hôpital. Les praticiens quelle que soit leur origine, CH ou clinique, ont accès à des plages opératoires : chacun des 7 chirurgiens orthopédiques publics et libéraux prend un jour de garde à tour de rôle, les gynécologues comme les chirurgiens ORL de l’hôpital opèrent chez nous, etc. Par ailleurs, nous disposons sur Ajaccio d’un laboratoire d’analyse qui a été très rapidement, à partir du 9 mars, en capacité de réaliser le diagnostic du virus.

L’activité SSR privée s’est elle aussi mise en ordre de marche, en complément de celle du secteur public et assure aujourd’hui une bonne partie du suivi post hospitalisation COVID.

Reprendre une vie avec l’épidémie

Je suis très inquiet sur la sortie du confinement. Inéluctable, il est notre principal enjeu désormais. Nous identifions toujours des nouveaux cas, même en petit nombre. Quelle sera la dissémination de la maladie et serons-nous capables de la contenir ? L’économie doit redémarrer, de même les relations sociales et tout simplement humaines, je pense en particulier aux personnes âgées qui sont comme en milieu carcéral. La santé est en première ligne mais il faut que le socle de la nation soit solide.

Il faut se donner les moyens de reprendre une vie avec l’épidémie qui ne va pas s’arrêter le 11 mai et continuera jusqu’au moment où nous disposerons d’une thérapie efficace. Il est indispensable que nous recommencions à travailler dans nos établissements de santé en priorité pour les patients aujourd’hui en déshérence. Nous constatons énormément de renoncement aux soins aux conséquences dramatiques. Les patients chroniques ne consultent plus leur médecin et nous découvrons trop tard une morbidité croissante.  Nous devrons prendre des mesures pour sécuriser les patients et protéger les soignants. Mesures qui vont ralentir la prise en charge. Nous allons travailler différemment.

Nous nous sommes adaptés très vite et nous serons capables de recommencer. Mais nous avons encore beaucoup trop d’inconnus sur le virus pour imaginer l’avenir de façon claire. Ce qui est certain c’est que nous travaillerons différemment et pour un moment. 

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Alexandre Breil, directeur de l’Hôpital Privé d’Antony


À l’Hôpital Privé d’Antony, le nombre de patients atteints du COVID commence à décroître

Nous enregistrons une baisse d’environ 30 % par rapport à notre pic. Nous avons reçu simultanément jusqu’à 125 patients atteints du COVID dont 38 patients en réanimation pour 14 lits autorisés au départ, autant en soins continus et 44 patients en lits de médecine. Nous avons été une seule fois dans l’obligation de transférer des patients à l’Hopital Privé Jacques Cartier et au CH de Melun, et à l’inverse, nous avons reçu des patients de l’AP-HP.

L’arrivée de renforts d’équipes de soignants des sites d’à peu près toutes les régions où le groupe Ramsay Santé est implanté a été déterminant.

De plus, 2 des 3 internistes sont infectiologues et l’établissement compte une importante équipe de pneumologues. Assez naturellement, ils ont constitué des attelages interniste/pneumologue pour prendre en charge les patients infectés. Les chirurgiens et les médecins spécialisés sont venus en appui pour prendre en charge le reste de l’activité de médecine, et les urgences. La souplesse et la réactivité des équipes et des organisations ont été admirables.

En amont, nous avions requalifié les secteurs et avons fermé ou ouvert des espaces au fil des besoins. Des parcours sanctuarisés ont été créés pour l’activité qui ne pouvait pas être reportée : nous avons pris en charge 7 parturientes atteintes du COVID sur les 280 accouchements du mois dernier et 8 patients atteints du COVID sur une file active de 120 patients dialysés. Enfin, aucune complication n’a été notée jusqu’alors pour les patients de la filière oncologique que nous avons réduite.

La suite, un jour sans fin…

Nous allons devoir légitimement prendre énormément de précautions et cette nouvelle organisation va de facto entraver l’efficience habituelle des structures. Cette nouvelle configuration se mettra en place graduellement, de même les patients reprendrons progressivement le chemin des soins. Par exemple, le service d’urgence enregistre le tiers des passages habituels, COVID compris. Remonter la pente nous prendra bien 6 mois.

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Dr Benoît Fontenel, DG du laboratoire d’analyses Biolab Avenir, Clinique Pasteur, Toulouse

Le Drive-test de la Clinique Pasteur est pris d’assaut

Nous avons mis en place un dispositif de Drive-test de dépistage naso-pharyngé Covid-19 sur le site de la Clinique Pasteur pour répondre à la forte demande des patients et des médecins. Nous n’avons rien inventé, c’est ce qui se fait partout dans le monde. Le dispositif a été pris d’assaut tout de suite. Nous testons pour le moment environ 30 personnes par jour mais nous pourrions nous organiser pour en tester davantage.

Concrètement, une prescription médicale est nécessaire. Un numéro est dédié pour prendre rendez-vous et des plages toutes les 10 min sont organisées tous les après-midis du lundi au vendredi. La partie administrative est gérée par mail en amont afin précisément de ne pas se contaminer au travers de documents. Les personnes arrivent en voiture, éteignent le moteur, ne descendent pas du véhicule et sont invitées à mettre le masque chirurgical qui leur est proposé. Un préleveur en tenue de protection normée effectue le prélèvement. Les tests sont envoyés à notre laboratoire sous-traitant habituel et les résultats sont disponibles sous 24 à 48h. Des tests peuvent être réalisés en urgence à la demande des médecins des établissements de soin avec lesquels nous travaillons. Ils sont traités par nos propres automates en interne, et les délais sont alors de 4 à 6h.

Notre laboratoire emploie 140 personnes en plus des 16 pharmaciens et médecins biologistes associés. Nous avons réorganisé nos équipes pour mettre en place ce projet et c’est un vrai succès depuis son ouverture le 14 avril.