1,2, 3 Questions du 18/05/20

Patrick Serrière, président de la FHP Île-de-France

Sans le secteur privé, l’Île-de-France n’aurait pas pu faire face à l’épidémie

La coordination des soins entre les deux secteurs public/privé a été exemplaire. Nous avons triplé nos capacités en réanimation et créé des services qui se sont remplis aussitôt. Nous avons ainsi accueilli 18 % des patients atteints du COVID en IDF aux côtés, rappelons-le, de l’AP-HP. Nous ne sommes pas une variable d’ajustement, la preuve en est faite. Le secteur privé a été considéré comme un acteur à part entière en complément des autres secteurs et nous avons tenu ce rôle avec responsabilité.

Depuis déjà plusieurs semaines, au cours du point quotidien avec l’ARS qui réunit environ 200 établissements publics et privés du territoire, le directeur de l’offre de soins évoque, non pas une reprise de l’activité, mais une adaptation de l’offre de soin au déconfinement. L’ARS n’a de cesse d’appeler à la plus grande prudence, rappelant qu’il faut conserver notre capacité à faire face à un rebond potentiel. L’agence s’appuie sur une modélisation de l’évolution du virus selon le coefficient RVO, par département, par secteur, et plusieurs scénarios sont élaborés. Toutefois, les réalités médicales de terrain ont amené l’ARS a évoluer légèrement dans sa position.

La reprise d’activité se fait de façon très progressive dans le respect de la doctrine nationale et les établissements réalisent globalement 30 à 40 % de leur activité normale. Les décisions sont médicales et prises de façon collégiale en tenant compte des bénéfices/risques de chaque situation. De plus, après ce confinement, une communication est nécessaire pour réassurer les patients.

J’espère que l’allocation des 5 molécules en tension sera revue en fonction des indicateurs de perte de chance et non plus en fonction du nombre de patients COVID, comme prévu au départ. En ce sens, les établissements ont envoyé à l’ARS une révision à 15 jours des interventions chirurgicales en classifiant leur urgence. Il est probablement normal que cette reprise d’activité soit inférieure à celle dans d’autres régions en zone verte. Sur le principe, l’ARS veille à ce qu’au sein d’un même territoire, les établissements publics et privés se parlent et s’organisent dans leur reprise d’activité, comme en termes de capacités COVID à conserver.

Les praticiens libéraux sont extrêmement raisonnables. Ils respectent scrupuleusement les recommandations des sociétés savantes et de leur assurance. Durant la gestion de crise, ils sont venus aider leurs confrères pour ouvrir des lits de réanimation, tenir des services de médecine, etc.

Nous sommes un acteur à part entière et nous voulons conserver cette posture, dans les discours et les faits. Concernant les financements des surcoûts liés à la prise en charge des patients atteints du COVID, et après un premier raté, l’ARS a ensuite rétabli un équilibre et a bien pris en compte le nombre de patients atteints du COVID pris en charge par établissement, qu’il soit de statut public ou privé. Nous devons nous prévaloir de cette reconnaissance acquise durant la crise et rappeler que sans le secteur privé, l’IDF n’aurait pas pu faire face à l’épidémie. 

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Marie-France Gaucher, présidente de la FHP Nouvelle-Aquitaine

Accorder toute notre confiance aux directions et aux praticiens pour une reprise raisonnée

Dans la région Nouvelle-Aquitaine, le virus a très peu circulé grâce sûrement au confinement. À Pau, par exemple, l’hôpital a reçu une dizaine de patients en provenance du Grand Est arrivés par train, et que nous avons ensuite pris en charge pour certains en soins intensifs à la Polyclinique de Navarre. Le même scénario s’est produit à Bayonne et à Bordeaux. Les établissements privés de Bordeaux, Brive ou d’Agen ont pris en charge, quant à eux, de nombreux patients de leur territoire atteints du COVID. Par ailleurs, les établissements privés de notre région ont fait preuve de solidarité envers ceux d’autres régions. Pour ma part, ce sont des infirmières et anesthésistes qui sont partis plusieurs semaines dans des cliniques en Île-de-France et à Mulhouse.

Le schéma régional de régulation de prise en charge s’est bien déroulé. Si le dialogue a été difficile au départ, l’ARS et ses déclinaisons départementales ont ensuite véritablement favorisé une coopération territoriale public-privé. Soulignons toutefois que dans notre région la subvention pour la prise en charge du COVID a été distribuée aux établissements publics. Les hôpitaux de Dax ou de Guéret qui n’ont pas ou peu accueilli de patients sont éligibles, à l’inverse, pour les cliniques, notamment de Brive, de Bordeaux Nord – en ligne 3, mais qui a eu une activité COVID importante -, nous reçevons pour l’heure des promesses de régularisation en fin d’année. Je regrette également que seuls les laboratoires des CHU aient été autorisés à faire les tests, alors que les laboratoires privés n’ont pu avoir d’agrément que bien plus tard.

Une réunion hebdomadaire inter-fédérations permet de coordonner la reprise d’activité. Si nous avons senti au départ une velléité d’accorder aux établissements support des GHT le pilotage de la reprise, aujourd’hui, dans le respect des directives, chacun est maître de son activité. Depuis une semaine, les établissements ont repris globalement 50 % de leur activité, motivée par des décisions exclusivement médicales et concertées. De fait, les mesures barrière ralentissent la prise en charge des patients, qui de plus ne reprennent que très doucement le chemin des établissements. Nous constatons des pathologies oubliées ou à des stades avancés comme beaucoup d’appendicectomies au bord de la péritonite.

Les établissements privés ont envoyé pour information leur plan de reprise d’activité à l’ARS. Concernant la logistique, l’ARS répartit les matériels EPI et nous n’arrivons pas à avoir d’information précise pour juger du niveau de pénurie des molécules.

D’une manière générale, le COVID a créé un climat plus serein et solidaire entre les corps médicaux et les directions et il faut leur accorder toute notre confiance pour une reprise raisonnée.

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Frédérique Gama, présidente de la FHP Auvergne-Rhône-Alpes

Nous avons très tôt tiré le signal d’alarme auprès de notre ARS

Notre région a été diversement touchée par le virus : les villes de Lyon et Saint-Étienne ont été très concernées, la Haute-Savoie a plutôt connu un épiphénomène, et la région Auvergne a été épargnée.

Les médecins libéraux ont joué le jeu du début à la fin. Ils ont arrêté leur activité sans discussion, en temps et en heure, ils ont patienté deux mois sans revenu, certains ont travaillé dans des services de réanimation et/ou médecine et prêté main forte pour une rémunération extrêmement faible. Bravo !

Dans le secteur privé, nous sommes montés en puissance extrêmement vite, cette feuille organisationnelle, blanche au début de la crise, est aujourd’hui écrite si nous devions nous reconvertir en mode COVID. Nous avons démontré que nous savions nous organiser très rapidement, une compétence à prendre en considération au cas où une telle situation devait se reproduire, avant de rendre tout le monde exsangue. Dans notre région, lors des deux premières semaines de la crise, il y a eu une montée en puissance des prises en charge des patients atteints du COVID, puis les prises en charge hospitalières se sont stabilisées (effet confinement !). Dans le même temps, nous ne recevions quasiment plus de patients atteints du COVID, mais de façon inquiétante, plus aucun patient du tout, même aux urgences. Nous avons très tôt tiré le signal d’alarme auprès de notre ARS l’interrogeant sur la désertion des patients des salles de consultations, d’examens de diagnostic, des urgences,… Les patients sont restés chez eux et nous voyons aujourd’hui arriver des tableaux cliniques aggravés que nous ne voyions plus.

L’ARS a entendu le message et compris que cette situation signifiait une perte de chances pour cette population. Dès lors, fin avril, l’agence, parmi les premières en France, nous a autorisés à réfléchir à un plan de reprise d’activité le 11 mai. Une première étape très importante qui nous a permis de construire notre reprise réfléchie en respectant les grands principes énoncés, en premier lieu, avec la préoccupation d’être vigilant sur les lits en réanimation et l’utilisation des molécules en tension au niveau de l’anesthésie.

Lors de la première réunion de coordination inter-fédérations, nous avons rejeté catégoriquement la proposition de l’agence d’une reprise d’activité sous l’égide des GHT. Une position sur laquelle l’ARS est revenue quelques jours plus tard, validant au final nos propositions. La reprise se fait donc en douceur, respectant toutes les contraintes de sécurité supplémentaires.

Enfin, nous défendons en région une prime versée aux établissements pour rémunérer les praticiens libéraux au regard de leurs prestations effectuées dans les services COVID. L’ARS est à l’écoute de nos préoccupations et a parfaitement intégré que cliniques et libéraux étaient indispensables pour faire face à une crise sanitaire, attentive à une coopération public-privé.

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Dr Dominique Poels, président de la FHP Normandie

La reprise progressive d’activité se passe bien

En Normandie, nous avons été épargnés par le virus et la majorité des établissements privés étaient fermés. Au pic de l’épidémie, nous avons accueilli dans notre région jusqu’à 220 patients en réanimation ; seuls 40 le sont encore aujourd’hui. Rien ne s’oppose donc à une reprise d’activité et le bon sens l’impose désormais.

La reprise progressive se fait dans de bonnes conditions sanitaires et globalement bien, que ce soit avec les médecins libéraux ou entre les établissements. Les délégations départementales de l’ARS, sans doctrine affichée, ont laissé une large part organisationnelle aux acteurs des territoires durant la gestion aiguë de la crise et agissent de même à l’occasion de cette reprise d’activité. Comme partout en France, nous devons être en capacité à répondre à une deuxième vague et remettre en ordre de marche nos organisations COVID.

Après les masques qui manquaient, les tests difficiles d’accès, nous rencontrons un problème d’approvisionnement de molécules en anesthésie, en particulier de curare. L’ARS Normandie nous a annoncé qu’une dispensation très rationnée au niveau national sera faite pour les deux semaines à venir, afin d’observer probablement l’évolution de l’épidémie. Cela signifie-t-il qu’à la fin du mois, la situation reviendra à la normale ? Chaque établissement fait sa demande de molécules en direct à l’ARS, qui décide de la répartition, qui n’est pas expliquée, si ce n’est que les établissements disposant d’une réanimation sont prioritaires. Concrètement, l’ARS invite les PUI à s’organiser entre elles. Par ailleurs, selon les établissements, un test est réalisé de façon systématique ou pas au cours du bilan pré-opératoire.

ARS et acteurs de santé, nous restons tous extrêmement prudents et observons l’évolution de la situation des deux prochaines semaines. Nous verrons ensuite.