1,2, 3 Questions du 25/05/20

Pascal Roché, directeur général de Ramsay Santé

S’il n’y avait qu’un enseignement à tirer de cette première séquence de la crise épidémique, de votre point de vue, quel serait-il ?

Depuis mars, nous avons pris en charge 4 000 patients atteints du Covid dans 57 établissements Ramsay Santé en France. L’enseignement majeur que je tire de la crise est que chacun a rendu possible jour après jour ce qui aurait paru impossible la veille, grâce à la coopération sur le terrain entre tous les acteurs et notamment pour nous, entre les secteurs public et privé.

Concernant l’organisation de l’offre de soin au niveau territorial, quelles sont, selon vous, les opportunités que la crise a révélées ?

Tout d’abord, la logique de proximité s’est imposée. L’organisation des soins au niveau territorial appelle une action du terrain entre tous les acteurs, soignants et paramédicaux, médecins de ville, spécialistes, hôpitaux, quel que soit leur statut. Cela présuppose une contractualisation entre les acteurs, à leur initiative, sous la houlette de l’ARS, et en même temps, condition sine qua non d’un succès, une équité de traitement.

Par ailleurs, alors que la prévention et la digitalisation se développaient doucement, la crise a permis aux patients français de gagner 10 ans. Nous avons fait un pas de géant dans la digitalisation, la coordination des soins entre médecine de ville, hôpitaux, laboratoires, etc. J’espère, du point de vue de la prévention, que le respect des gestes barrière restera fortement ancré chez nos concitoyens. D’un seul coup, les Français ont utilisé des outils digitaux notamment dans leur relation avec les médecins, se sont inscrits dans une démarche préventive, et dans une logique de proximité territoriale et donc de coordination des acteurs, un point souligné par le récent sondage Viavoice. Le fonctionnement et le développement d’une coopération de tous les acteurs dans une offre de proximité supposent une équité de traitement.

L’hospitalisation privée est prête à avoir des droits et des devoirs supplémentaires. 

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Thierry Chiche, président exécutif de ELSAN

S’il n’y avait qu’un enseignement à tirer de cette première séquence de la crise épidémique, de votre point de vue, quel serait-il ?

Je retiendrais la générosité extraordinaire des équipes soignantes des établissements publics et privés en France. Cette crise a confirmé leur engagement mis à l’épreuve par cette crise inédite. Les équipes ne se sont pas posé de questions pour prendre en charge les patients dès le départ, alors même que ce virus était déjà connu pour être dangereux. Chez ELSAN, plus de 500 soignants sont mêmes partis renforcer les équipes d’autres cliniques ou hôpitaux publics à l’autre bout de la France. Leur professionnalisme a été exemplaire. Nous sortons tous très fiers et grandis de cette épisode.

Concernant l’organisation de l’offre de soin au niveau territorial, quelles sont, selon vous, les opportunités que la crise a révélées ?

Cette crise a révélé le rôle du secteur privé en France qui, rappelons-le, prend en charge en temps normal un tiers des patients hospitaliers. Le secteur public ne peut pas répondre seul aux besoins sanitaires. Dans certains territoires, les hôpitaux qui pensaient pouvoir le faire ont rapidement changé de position. Nous sommes un secteur incontournable et complémentaire, et c’est tant mieux. Cette coopération du secteur public/privé est apparue à tous comme une évidence. Dans cette crise, les acteurs d’un même territoire ont dû se parler régulièrement, souvent quotidiennement pour agir et réagir vite, ont appris à se connaître, et à s’apprécier. La nécessité de la réactivité collective et l’action ont été les meilleurs catalyseurs de la coopération entre le secteur public et le secteur privé. J’espère qu’elle va perdurer après la crise.

Par ailleurs, et comme nous sommes présents sur tout le territoire français – je rappelle que 3 Français sur 5 résident à moins de 40 km d’un établissement ELSAN – nous avons initié des partenariats plus structurés avec les Ehpad. Il s’agissait, en pleine crise, de soutenir et accompagner ces établissements en général assez peu médicalisés pour identifier les résidents à risque, rassurer les salariés et optimiser la prise en charge. Des partenariats que nous espérons poursuivre demain. 

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Daniel Caille, PDG de Vivalto Santé

S’il n’y avait qu’un enseignement à tirer de cette première séquence de la crise épidémique, de votre point de vue, quel serait-il ?

L’enseignement que l’on peut tirer de ces deux mois de crise Covid est que notre personnel soignant, nos médecins et toute notre organisation ont su montrer un dévouement, une mobilisation extraordinaire, donnant un sens inouï à notre métier de soignant : plus de 200 personnes sont ainsi venues de l’ouest de la France pour épauler nos équipes d’Île-de-France, confrontées à la vague de l’épidémie.

Nos structures souples ont su s’adapter à ce contexte et ont pu agir efficacement, en complémentarité du secteur public. Nous avons multiplié par 4 nos capacités de réanimation (de 20 à 80 lits) et nous avons accueilli jusqu’à 200 patients Covid dans nos lits de médecine et jusqu’à 40 en SSR. Nous avons aussi mis en place une application pour le suivi des patients Covid à domicile : « ambulis Covid-19 ». Nous sommes en train, à l’issue du confinement, de mettre en ligne sur tous nos sites un questionnaire pour les patients et les visiteurs, permettant d’identifier leur situation au regard du Covid et facilitant ainsi une reprise de nos activités en toute sécurité.

La mise en place d’une cellule de crise journalière nous a permis d’adapter en permanence et sans délai nos organisations. C’est ceci la force des établissements privés.

Concernant l’organisation de l’offre de soin au niveau territorial, quelles sont, selon vous, les opportunités que la crise a révélées ?

Remettre des milliards d’euros sur un nouveau plan hôpital 2020 n’a aucun sens sans une autre organisation territoriale de l’offre de santé. Il faut par contre augmenter significativement la rémunération de nos infirmier.e.s et aides-soignant.e.s tout en leur offrant un parcours professionnel beaucoup plus valorisant. L’équité de traitement public-privé suppose une augmentation de l’Ondam fléchée sur les catégories de personnel visées pour pouvoir la garantir.

La notion de territoire s’est avérée pertinente pour surmonter le contexte pandémique. Un territoire de santé c’est une offre publique, privée, de médecine de ville mais aussi médico-sociale. Les ARS ont le plus souvent organisé les réponses à ce niveau. Lorsque la complémentarité public/privé a joué – ce qui a été souvent le cas -, la réponse a été pertinente. Dans certains cas elle a été insuffisante et on a vu des malades transférés à grands frais dans d’autres régions, alors que l’offre privée n’était pas ou peu sollicitée. L’organisation à venir du système de santé devra se construire au niveau du territoire en associant aux GHT publics, l’offre privée, libérale mais aussi médico-sociale ; on n’a que trop vu l’isolement des Ehpad ! Toutefois, les collectivités territoriales doivent avoir un rôle fortement accru tout en renforçant le rôle des ARS dans l’adaptation de l’offre de soin, en leur donnant un pouvoir de régulation économique et qualitative… Une gouvernance efficace du territoire doit pouvoir se mettre en place afin que les besoins du territoire soient couverts et que des parcours de soins pertinents se mettent en place, associant les différents acteurs de santé.

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Yann Coléou, PDG de Almaviva Santé

S’il n’y avait qu’un enseignement à tirer de cette première séquence de la crise épidémique, de votre point de vue, quel serait-il ?

Spontanément, et parce que c’est un enseignement incroyable de par la beauté du travail en équipe et la solidarité mise en place : l’exemplarité de tous les professionnels de santé, infirmier.e.s, aides-soignant.e.s, personnel d’accueil, équipes de bionettoyage, etc. Bon nombre de médecins ont apporté leur support comme simple soignant et comme jamais, nous avons travaillé avec les présidents de CME.

Tous ont été inventifs et ont trouvé des solutions à des situations parfois très compliquées. Ils ont été solidaires : les salariés de PACA ou des départements voisins moins touchés sont allés aider leurs collègues en Île-de-France, ou ceux de l’établissement Espic ou public d’à côté. Cela nous a confortés dans ce qui était déjà une évidence pour nous ; les équipes soignantes et les médecins ont fait preuve d’un vrai courage dans cette épreuve.

Concernant l’organisation de l’offre de soin au niveau territorial, quelles sont, selon vous, les opportunités que la crise a révélées ?

C’est une combinaison d’opportunités. Tout d’abord, la dimension régionale. De par notre présence géographique en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur nous avons travaillé avec les ARS sur ces deux régions. Nous devons le souligner, nous avons particulièrement apprécié travailler avec nos deux interlocuteurs qui ont été jour après jour très disponibles et à notre écoute. Ce pilotage régional est un énorme atout, il faut sanctuariser cette proximité et cette qualité de collaboration.

La coopération public/privé qui s’est créée durant la crise est également une vraie opportunité, nous devons l’entretenir. Cette concurrence est dépassée, nous faisons le même métier qui est de soigner. Nous devons faire tomber quelques barrières idéologiques. Par exemple, la Clinique Monceau à Paris a travaillé étroitement avec le Pr Philippe Juvin, chef de service à l’Hôpital Georges Pompidou, ou encore la Clinique Oxford à Cannes avec le centre hospitalier, une collaboration d’ailleurs promue. Cette coopération a fonctionné et il faudra s’en souvenir.

Sans oublier un rééquilibrage des ressources médecins et soignants d’un côté et personnel administratif de l’autre qui est indispensable au profit des premiers. Il faut placer davantage de soignants, de médecins, de présidents de CME, de sociétés savantes au centre du dispositif et moins d’administratif.

Pour conclure, j’en suis convaincu, il faut désormais capitaliser sur ces combinaisons éclairantes d’opportunités pour construire la suite.