Gérard Raymond, président de France Assos Santé
Quel constat fait France Assos Santé en cette période de reprise post-Covid ?
Nous constatons la situation que nous redoutions en début de crise, c’est-à-dire une population dont la santé est détériorée et globalement plus mauvaise qu’avant le Covid. France Assos Santé a très tôt donné l’alerte concernant les dangers du renoncement aux soins. Nous avons beaucoup insisté pour que les médecins traitants, qui connaissent leur patientèle et leurs patients chroniques, restent en lien avec eux. Les médecins se sont adaptés, des dispositifs ont été déployés en ce sens, – nous avons gagné par exemple des années sur la mise en place de la téléconsultation et du suivi à distance, etc. Malgré tout, pour les personnes atteintes de pathologies chroniques hors coronavirus, la situation a été globalement très compliquée. Deux tiers d’entre elles ne sont plus allées consulter, craignant la contamination, se sentant démunies ou jugeant leur état non encore critique. Au final, les médecins et associations d’usagers nous signalent des dégâts collatéraux assez importants dus à une totale rupture entre le corps médical et les usagers de la santé. Personne n’était préparé à ce que nous venons de vivre et l’état psychologique de la population est également dégradé.
Quelle a été la place des usagers pendant la crise ?
Durant la crise sanitaire, France Assos Santé, qui représente tous les usagers de la santé, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens, a travaillé en coulisse. Les mesures médicales et sociales prises par l’Assurance maladie, sur les conseils de la Société française de santé publique, ont été négociées avec nous. Si le matelas social a été important pendant les 2-3 mois que nous venons de passer, nous le devons en grande partie à France Assos Santé. Nous avons réclamé rapidement que les instances de démocratie sanitaire – qui ont volé en éclat dès le confinement -, se remettent en place immédiatement, c’est-à-dire que les commissions des usagers de la santé dans les établissements, puissent continuer leur travail.
Maintenant il faut évaluer la qualité du travail accompli par les établissements et professionnels de santé, les gains pour les patients, les coûts, etc. et voir comment améliorer le système. Une plateforme d’acteurs dont nous faisons partie a été missionnée par le ministère pour recueillir toutes les données, études, recherches, faites sur et autour du Covid. Toutes ces données de santé devront nous permettre de mieux appréhender une prochaine crise. France Assos Santé a également lancé sa propre étude sur l’anxiété et la dépression post-crise.
À quoi doit ressembler le système post-Covid ?
Au niveau des établissements de santé sur les territoires, le rééquilibrage entre la gouvernance administrative et médicale qui a eu lieu de manière naturelle pour gérer la crise, a été bénéfique. Quand le Premier ministre déclare que l’hôpital a bien fonctionné, c’est parce que les médecins ont pris un peu plus de pouvoir par rapport aux administratifs. Demain il faudra peut-être aussi concevoir la gouvernance avec un 3e pilier : les usagers de la santé. D’autre part, la crise que nous venons de vivre a vu l’émergence de belles initiatives qu’il faut promouvoir. Pour France Assos Santé, les réponses sont territoriales. Donner de l’agilité aux acteurs de proximité, y compris aux établissements, est primordial. L’ARS doit avoir un rôle de régulation et d’évaluation, mais pas d’organisation.
Nous attendons du Ségur de la santé que les commissions des usagers de la santé obtiennent des pouvoirs élargis et soient plus près de la gouvernance et participent à l’évaluation de l’organisation et de la qualité des soins. Le Ségur doit permettre une démocratie sanitaire à la main des acteurs afin d’avoir un système de santé plus humaniste, proche des attentes et des besoins de l’ensemble des citoyens, y compris des professionnels de santé.