1,2, 3 Questions du 29/07/20

Cécile BLANC – Directrice Polyclinique de Limoges (87)

Une conférence de presse avec le CHU

La reprise d’activité s’est faite très modérément à Limoges après le déconfinement. Si bien que nous avons décidé d’organiser une conférence de presse commune avec le CHU. Avec le directeur du centre hospitalier et nos présidents de CME respectifs, nous avons sensibilisé la population locale à la nécessité de se rapprocher de leurs services de soins classiques car nous voyions arriver des pathologies aggravées. Expliquer la sécurisation de nos établissements visait à les rassurer. À la Polyclinique de Limoges, nous sommes aujourd’hui à 90 % de notre activité habituelle estivale.

Depuis le début de l’épidémie, nous avons travaillé avec le CHU en transparence et dans un esprit collaboratif. Les présidents de CME continuent à travailler de façon très rapprochée : ils échangent des informations sur l’évolution de part et d’autre, afin de coordonner au mieux l’offre de soins. Des soignants de notre établissement sont allés par exemple se former en réanimation au CHU. Il était convenu que chacun prenait en charge les patients atteints du Covid qui se présentaient. Nous avons ainsi pris en charge les patients arrivés à notre service d’urgence jusqu’à une forme modérée de leur état. Au-delà, pour les formes plus sévères, nous avions convenu de les transférer au CHU, ce qui ne s’est finalement pas présenté. A l’inverse, en cas de saturation du CHU, nos organisations internes étaient prêtes, grâce au travail de préparation de notre personnel, pour faire face à l’épidémie via notamment une autorisation temporaire de lits de réanimation. D’une manière générale, ce souhait de solidarité existait de part et d’autre.

Une reprise dans l’inquiétude

La réalité post déconfinement des différentes spécialités a été diverse : les praticiens qui ont été très touchés par la déprogrammation comme les orthopédistes ou les stomatologues ont eu à cœur de reprendre rapidement leur activité car leur file active de patients s’allongeait, d’autres médecins ont vu leur activité plus lissée. Mais tous étaient sensibilisés à la pénurie des stocks de drogues et d’équipements EPI. Nous projetons très prudemment une reprise à 100 % à la rentrée car les stocks de casaques ou de gants ne sont pas optimaux. Par ailleurs, et même si nous n’avons pas été en rupture concernant les curares, nous disposons d’un stock jusqu’à la fin de l’été, ce qui n’est pas suffisant. Nous devons nous tenir prêts à toutes éventualités alors que nous n’avons pas une visibilité normale.

L’inquiétude est également palpable chez les salariés. Certains n’ont pas travaillé mais ce n’était pas du repos classique. Le climat est très incertain, et la menace d’une nouvelle vague est toujours là avec ce qu’elle signifie comme réorganisation et réactivité. Demain est imprévu, personne ne peut prédire une normalisation de la situation et cela est anxiogène pour les salariés. La prime Covid, surtout dans une zone épargnée par l’épidémie, a été une reconnaissance financière inespérée pour nos personnels. 

De nouvelles organisations

Cette période nous a permis de reconsidérer nos organisations. Par exemple, des modifications de flux de patients ont été conservées. De même, certaines interventions se font désormais sans passer en salle de réveil car les anesthésistes ont pu adapter leurs protocoles.

Je retiens l’élan de solidarité remarquable : 50 personnes sont parties en renfort en Île-de-France et dans le Grand-Est dans des établissements sanitaires ou des Ehpad. L’épidémie a pointé la fibre soignante très profonde des personnels, porter secours à autrui est pour eux essentiel.

La vie reprend aujourd’hui naturellement son cours, avec son lot de tracas quotidiens

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Dr Serge CONSTANTIN – Président Groupe Clinipole

On ne peut pas faire de médecine sans médecins !

Le déconfinement s’est accompagné d’une reprise progressive de l’activité. L’activité des établissements MCO et SSR du groupe atteint 80 %. Les malades avaient peur d’une éventuelle contamination au COVID-19 et les médecins ont noté durant quelques semaines l’aggravation de certaines pathologies due à un renoncement aux soins. Le corps médical a souhaité légitimement reprendre rapidement l’activité. À titre temporaire, certains chirurgiens ont opéré le samedi et des plages opératoires ont été étendues. De plus, notre taux de prise en charge en ambulatoire a augmenté, c’est bien qu’il existe un potentiel d’évolution . Relevons des effets positifs de cette épidémie.

Nous avons fait face à une pénurie des EPI et plus fortement à celle des molécules utilisées en anesthésie et en réanimation. Mais au niveau du groupe, nous avions décidé de créer notre propre plateforme de stockage et d’approvisionnement et nous avons trouvé des solutions.

Dans notre région, nous devons prendre en compte un facteur de saisonnalité : l’activité de médecine se maintient mais celle de chirurgie baisse, toutefois balancée par la présence de touristes.

D’un point de vue économique, nous sommes satisfaits que l’État n’ait pas abandonné l’hospitalisation privée. Tout d’un coup, l’État a découvert que le pays avait besoin de cliniques et d’hôpitaux privés ! Toutefois, et même si des avancées du point de vue social sont à souligner, par principe elles ne sont pas tout à fait équitables entre les deux secteurs. Ce qui, pour nos salariés, est difficile à comprendre.

Invité à Paris pour le 14 juillet

À la Clinique du Parc, à Montpellier, nous sommes les seuls à disposer d’une réanimation polyvalente médico-chirurgicale avec des médecins réanimateurs exclusifs. Nous faisions partie des quatre entités désignées par la FHP Occitanie pour envoyer un représentant à Paris pour les cérémonies du 14 juillet. Certes, notre région a été relativement épargnée par l’épidémie, mais toutes activités confondues – réanimation, MCO et SSR (court et moyen séjours)  – , nous sommes le groupe privé indépendant en Occitanie à avoir pris en charge le plus de patients atteints du Covid.

Je retiens que cette épidémie est une chance historique de démontrer notre place indispensable dans ce système de santé. C’est une avancée fondamentale pour notre secteur. En quelques jours, sous l’égide des médecins, les équipes ont bouleversé les organisations médicales. Rappelons que la réforme des autorisations prévoyait une réduction des lits de réanimation ! La médecine ne peut pas être pilotée depuis des bureaux.

J’espère que l’administration – DGOS et ARS, auprès desquelles nous avons trouvé des  interlocuteurs efficaces et impliqués  – tirera  tous les enseignements de cet épisode.

On ne peut pas faire de médecine sans médecins.

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Dr Thierry MORVAN – DGA, président de CME Polyclinique Côte Basque Sud (St Jean de Luz, 64)

Une doctrine de 70 pages

Pour nous, la reprise d’activité a tout d’abord été l’écriture de notre doctrine d’établissement. La contribution de 3 médecins a été nécessaire pour produire les 70 pages qui définissent nos nouvelles organisations dans le détail. Ensuite, il a fallu en obtenir une bonne compréhension et une acceptation.

Les médecins étaient très en attente : quand pourrons-nous retravailler et comment ? Les 2 CME en visio précédant la reprise n’ont jamais eu autant de succès. Ce long arrêt d’activité a été économiquement difficile pour les médecins libéraux, en particulier pour les jeunes médecins qui sont nombreux chez nous et qui font face à de lourdes charges.

La CME a gagné encore en légitimité même si notre taille humaine et le fait que la clinique appartienne aux médecins font que nous travaillons tous, corps médical et direction, dans une grande cohérence. Cette période a sans doute été aussi propice à davantage d’échanges.

Nous développons aujourd’hui entre 90 et 95 % de l’activité habituelle. En juin, les appendicites étaient remplacées par des péritonites mais aujourd’hui nous ne voyons plus de patients dans des situations cliniques aggravées. Ensuite, les patients dont les actes chirurgicaux sont à faible impact fonctionnel sont revenus naturellement, les autres ont reporté leur hospitalisation en septembre. Traditionnellement, l’activité chirurgicale programmée chute durant l’été mais la population de la ville est multipliée par 7, par conséquence, nous connaissons une forte augmentation d’activité non programmée alimentée par notre service d’urgence.

Des facteurs limitants de reprise

Sur le plan chirurgical, la doctrine de la SFAR qui impose une distanciation des patients, a posé un nœud gordien sur l’utilisation de la salle de réveil. Nous sommes heureux de n’avoir perdu que 30 % de nos capacités quand nos voisins affichaient 40 %. Pour sa part, l’extubation des patients au bloc n’a ralenti le flux qu’à hauteur de 5 %.

Concernant le stock de médicaments, nous avions été très inspirés en mars de faire une commande importante, si bien que nous sommes relativement à l’aise. Par ailleurs, outre le champ de l’urologie où nous avons commué nos pratiques en anesthésie loco-régionale, nous pratiquions déjà fortement ce protocole pour toutes les pathologies éligibles, et de même, nous sommes déjà à plus de 70 % de prise en charge en ambulatoire.

En revanche, notre activité est aujourd’hui freinée par le manque de personnel. Si nous n’avons pas pratiqué de chômage partiel, nous n’avions pas renouvelé nos CDD qui nous font défaut actuellement.

De même, le non remboursement du RT-PCR au départ a été délétère pour une partie défavorisée de la population de St Jean de Luz et cela nous a créé des difficultés.

Aujourd’hui, je regrette que la population ne respecte pas les gestes barrières comme elle le devrait. Mais je retiens que l’humain a des capacités exceptionnelles qu’on ignore. 

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 Jean-Philippe GAMBARO – Directeur Centre médico-chirurgical Floréal (Bagnolet, 93) 

L’épidémie change la vision de l’hôpital de demain

Cette pandémie ne sera malheureusement pas la dernière et oblige notre société à sécuriser les espaces d’échanges, à rompre les liens (pose de plexiglas dans les zones d’accueil, etc.).

Dans notre établissement, nous veillons particulièrement à insuffler de l’humanité et aspirons à créer des espaces conviviaux. Les repas sont préparés sur site, nous disposerons d’une cafétéria : est-ce que demain, ce choix est le bon ? Ainsi, nous reportons le démarrage d’un important projet de construction car précisément, nous voulons réinterroger la pertinence de ces espaces de confort prévus et d’accueil. Nous testions la dématérialisation des admissions et nous sommes passés de l’expérimentation directement à la mise en œuvre.

Nous pensons plutôt à optimiser les espaces pour la démarche de fast-track afin de réduire le temps de présence des patients dans l’établissement.

Une reprise d’activité à 75 %

Actuellement, nous sommes à 75 % de notre activité habituelle et les patients sont revenus naturellement. L’activité demeurera réduite cet été car les équipes ont besoin d’avoir une coupure par rapport à la période difficile qu’ils viennent de traverser. Nous prévoyons une reprise normale au mois de septembre.

Sécuriser les salariés

Pour ce qui concerne, les mesures de sécurité, le dépistage des patients est systématique. Pour ceux arrivant en urgence, un scanner est organisé afin de disposer d’une réponse plus rapide que les PCR.

De plus, l’établissement est accessible par une seule entrée avec un filtrage permanent (caméra thermique, port du masque, refus des accompagnements, etc.), et nous ne prévoyons pas de lever ce dispositif pour l’instant. C’est une charge nécessaire afin de sécuriser notre personnel et les patients.

Disposer d’un environnement sécurisé depuis le départ a grandement facilité la mise en place des équipes en diminuant les contraintes. Des vacataires l’ont d’ailleurs souligné, exprimant leur préférence de travailler au sein de notre établissement car cela leur permettait d’exercer leur métier en toute sécurité. Cette organisation, nous a permis de d’ouvrir deux étages d’hospitalisation pour accueillir les patients atteints du Covid.

Je remercie l’action de notre syndicat qui a permis la reconnaissance du travail de notre personnel au travers de l’obtention de la prime Covid.