1,2, 3 Questions du 28/09/20

Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-Syndicat (Union française pour une médecine libre)

Quels sont les angles morts de la gestion étatique de l’épidémie que vous dénoncez dans votre livre « Le scandale des soignants contaminés » ?

Je décrypte de façon chronologique, factuelle et sourcée le scandale de la pénurie des masques, et accuse le gouvernement d’avoir envoyé les soignants au front sans protection. La médecine de ville – médecins et para-médicaux – qui a pris en charge plus de 90 % des patients atteints du Covid, a été totalement ignorée. Le Covid n’existait qu’une fois dans les murs de l’hôpital.

L’éditeur Flammarion m’a appelé de façon quasi concomitante à l’appel de deux familles qui chacune avait perdu un proche, médecin, décédé du Covid et ayant consulté sans protection. J’ai voulu laisser une trace de ce que nous avons vécu.

Le Pr Salomon, et les médias dans la foulée, n’ont parlé que des patients hospitalisés et parmi eux, ceux qui étaient en réanimation, c’est à dire moins de 5 % des malades. Or, la cible du virus, les personnes âgées, notamment résidant en Ehpad, payaient un très lourd tribu et pourtant personne n’en parlait. Les personnes âgées n’existaient pas et la médecine de ville n’existait pas non plus. De la même manière, les cliniques privées ont été ignorées au début. Notons qu’elles n’apparaissent pas, ou en 3e rideau, dans les plans blancs des hôpitaux publics.

Dès juillet, à nouveau, la médecine de ville a alerté sur le retour de nombreux cas sans être entendue. Ignorer la médecine de ville nous fait perdre un temps précieux car notre constat d’une situation précède d’un ou deux mois celui de l’hôpital. Il n’y a pas de génération spontanée de patients graves à l’hôpital, ils passent d’abord entre les mains de la médecine de ville.

Pourquoi le contact tracing est selon vous un échec ?

Nous dénoncions déjà ce dispositif en juillet. Nous avons tout d’abord perdu 3 semaines à autoriser les laboratoires territoriaux vétérinaires, et aujourd’hui les laboratoires sont totalement embolisés car de 700 000 tests par semaine annoncés par Edouard Philippe, Olivier Véran est passé à 1,2 million. Cela coûte 250 millions d’euros par semaine, c’est à dire 1 milliard par mois pour des tests qui ne servent à rien. En effet, il faut en moyenne 3 jours pour obtenir un rendez-vous, puis ensuite 3 à 7-10 jours supplémentaires pour avoir un résultat. Donc 10 jours après, vous apprenez que vous êtes positif, au moment où vous n’êtes plus contaminant, et c’est alors que démarre votre mise en quatorzaine. Cela n’a aucun sens.

Le contact-tracing est structurellement trop lent. Ce dispositif manque 2 à 3 générations de personnes contaminées qui ont le temps de devenir contaminantes. Le virus travaille 24h sur 24 et nous courrons après la maladie. Le Pr Christian Drosten, conseiller du gouvernement allemand a toujours eu raison et avec un coup d’avance. Nous suivons de très près depuis le départ ses recommandations : aérosolisation du virus donc nécessité de masques FFP2 pour les soignants, nécessité de tester et d’isoler très vite, etc. Tout ceci, la médecine de ville l’a répété sans cesse depuis le début.

Comment voyez-vous demain ?

Ce virus est très intelligent. Le tableau clinique est multiple et évolutif, des symptômes respiratoires peuvent devenir digestifs ou articulaires, etc. Le patient est contaminant 2 jours avant de constater les symptômes de la maladie, et 50 % des formes sont asymptomatiques. Enfin, l’immunité est très fragile et nous avons déjà des cas de recontamination, ainsi, obtenir 60 à 70 % de la population immunisée en même temps paraît difficile. Les Suédois sont en train de revoir leur stratégie concernant l’immunité populationnelle. Ce virus est bourré de pièges.

Nous gérons toujours l’épidémie avec un coup de retard. Nous n’avons pas de capacité de traçage ni d’isolement donc le virus continue de circuler. Le relâchement de cet été a accéléré une contamination inter-individuelle, puis quand chacun est rentré de vacances, des clusters sont apparus notamment sur les lieux de travail. La nappe virale de la grippe est uniforme mais celle du Covid-19 est aléatoire. Si les clusters sont nombreux sur un territoire, la charge virale augmente fortement et l’épidémie peut exploser.

J’ai appelé mon livre « Le scandale des soignants contaminés » en référence au scandale du sang contaminé. Pour moi, il y a une faute grave de l’État dans la gestion de l’épidémie.

« Le scandale des soignants contaminés » du Dr Jérôme Marty, chez Flammarion, sorti le 9 septembre 2020.