1,2, 3 Questions du 12/10/20 – Dr Thierry Morvan

Membre du CODIR SantéCité, DGA Polyclinique Côte Basque Sud & Pilote du Club Pharmacie FHP-MCO

Le pharmacien est-il un professionnel de santé heureux ? 

Le pharmacien et la pharmacie furent toujours considérés comme une charge et non un produit. Ils étaient des empêcheurs de tourner en rond placés en sous-sol. Aujourd’hui, le pharmacien et la valeur qu’il ajoute à la dynamique de l’établissement sont reconnus. Le pilotage médico-économique met d’ailleurs en avant l’effort considérable des PUI : meilleure gestion, qualité du soin optimisée, baisse des DMS dans laquelle nous intervenons de façon significative, etc. Le pilotage de l’antibiorésistance aura identifié clairement ces constats.

Les « unités d’œuvre », outil de mesure du temps pharmacien conçu par l’ANAP, démontre son rôle, qui ne se réduit pas au contrôle des ordonnances, seul point parfois mesuré. Les pharmaciens de PUI consacrent beaucoup de temps à passer des commandes, à étudier des marchés, à gérer les ruptures d’approvisionnement, tracer les DMI, stocker, sécuriser, etc. La remarquable présentation lors du dernier club Pharmacie de la FHP-MCO sur la pénurie médicamenteuse en période Covid a mis en exergue les difficultés des pharmaciens de PUI sur les ruptures.

Quelle est la difficulté quotidienne que les pharmaciens rencontrent dans la gestion des PUI ?

La carence d’interopérabilité des applications ! Le numérique devrait être facilitant pour le pharmacien, mais il faut ouvrir parfois 5 ou 6 applications qui souvent ne sont pas interopérables. Les outils ne sont pas matures. La charge administrative est de fait très lourde. Le Dr Edith Dufay et ses collaborateurs au CH de Lunéville ont développé dans le cadre du GHT un outil très prometteur pour contrôler les prescriptions de l’établissement. L’intelligence artificielle embarquée traite en une demi-journée plusieurs centaines d’ordonnances.

Par ailleurs, il nous faut davantage travailler sur la traçabilité des DMI qui font partie de la vie du patient et de son parcours de soin. Un chirurgien qui retire une plaque ne doit pas appeler son collègue qui l’a placée pour en connaître la marque et commander le bon tournevis pour l’enlever. Le DMI fait partie intégrante du parcours de vie.

Le pharmacien d’hier deviendra-t-il un « pharmacien clinicien » ?

Tout d’abord dans les hôpitaux publics, les internes et externes sont allés dans les étages pour s’occuper de la conciliation médicamenteuse, puis aujourd’hui les pharmaciens sont présents. Les médecins sont progressivement moins étonnés de nous voir au chevet des patients. Nous assistons à une acculturation des services à leur égard. Il est temps que nous appelions ces professionnels des « pharmaciens cliniciens ». Les pharmaciens passent une thèse et sont aujourd’hui docteurs, un titre qui aidera aussi à notre reconnaissance.