Dr Philippe Cuq, président de l’Union des chirurgiens de France (UCDF) et co-président de Le Bloc
Quelle est votre analyse de la situation actuelle face au Covid ?
La situation est inquiétante : nous devons prendre en charge les patients atteints de la Covid et dans le même temps, il faut soigner les patients non-Covid. Nous avons tiré les leçons de mars dernier et avons vu des situations médicales impensables avec des retards de diagnostics et de prise en charge thérapeutique. Nous avions alors fortement alerté sur les besoins en soins de ces patients. C’est la raison pour laquelle, actuellement, nous nous battons pour que les déprogrammations soit évaluées collégialement par les médecins. Il nous faut rapidement réduire le décalage entre la position administrative qui consiste à libérer des lits et des ressources humaines, et que nous comprenons très bien, et notre position de médecins.
Cela signifie que, établissement par établissement, activité par activité, cas par cas, liste par liste, l’équipe opératoire – chirurgien et anesthésiste – prenne la décision opératoire. Nous devons ensuite, face au patient et à sa famille expliquer : votre opération sera reportée, vous ne risquez rien, ou elle ne peut pas attendre 2 ou 3 mois. Cette situation répétitive est inédite. Quelles sont les responsabilités engagées en cas de perte de chance, celle du médecin, de l’administration ? De même, des patients renoncent à leur intervention car la situation est anxiogène. Cette décision est prise sans réévaluation de leur situation médicale. Quid des responsabilités ?
Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes en capacité, le cas échéant, à tout moment, et du matin au soir, d’arrêter totalement notre activité. Nous sommes très réactifs, c’est une sécurité fondamentale pour l’administration.
Quel rôle les URPS pourraient jouer dans des situations de crise ?
Nous avons une proposition très concrète issue des leçons tirées de la première vague : une réserve sanitaire territoriale est indispensable en cas de crise épidémique mais aussi en cas de catastrophe. Cette réserve opérationnelle doit répondre aux besoins fondamentaux en termes de matériel, matériel de protection, équipements, équipements lourds, drogues. L’URPS aurait ici tout son rôle à jouer et pourrait gérer médicalement cette réserve en partenariat avec l’ARS. Les URPS sont implantées en région, elles représentent les forces médicales territoriales, généralistes et spécialistes.
Quelles sont les motivations de l’union de votre syndicat Le Bloc et Avenir Spé en perspective des prochaines élections des URPS en mars prochain ?
Des 3 collèges pré-existants – généralistes, spécialistes (plateaux techniques), spécialistes (autres spécialités) – le 2e nous concernant a été supprimé de la carte. Le syndicat Le Bloc y pesait 70 %. Par ailleurs, la branche des spécialistes de la CSMF s’est autonomisée et nous a contactés. Nous nous sommes rencontrés, avons échangé et constaté que nous partagions globalement les mêmes idées sur l’exercice des spécialistes. Nous avons donc décidé de créer une union syndicale entre Avenir Spé, présidé par le Dr Patrick Gasser, et le Bloc. Il est plus intéressant de se présenter devant nos confrères comme un grand rassemblement de spécialistes dans le collège correspondant. Cela avait du sens. L’exercice du médecin généraliste et le nôtre, marqué aussi par les interactions avec les établissements dans lesquels nous exerçons, est très différent. Les spécialistes libéraux ont des problématiques qui doivent être résolues.
Cette élection est importante : les médecins votent pour leurs représentants en région, et les résultats nationaux donnent la représentativité syndicale. C’est un bon exercice de démocratie sanitaire.
Les URPS ont du boulot : organisation du premier recours, des astreintes, de l’accès aux soins, etc. Les ARS devraient davantage s’appuyer sur les URPS qui représentent l’ensemble des médecins libéraux.