1,2, 3 Questions du 09/11/20 – Dr Patrick Gasser

Dr Patrick Gasser, Président de Avenir Spé

Des réquisitions de médecins libéraux seraient envisagées, qu’en pensez-vous ?

Au vu de la première vague, il nous paraît préférable de demander des réquisitions pour l’ensemble des médecins qui seraient sollicités pour prendre en charge des patients atteints de la Covid à la fois dans les établissements de soins privés et publics. La première vague a démontré un grand élan de solidarité et nous devons être solidaires de l’ensemble de la population mais aussi de l’ensemble des soignants. Le point d’achoppement demeure l’organisation et son financement.

Par ailleurs, les médecins et leurs salariés, par exemple les IADE, qui sont partis sur le terrain ne sont toujours pas indemnisés. On est à plus de 6 mois, et Anne, ma sœur Anne, on ne voit toujours rien venir.

En cas de réquisition par l’ARS, un tableau d’indemnisations des médecins est prévu, prenant en compte les gardes, les présences, etc., et est contractualisé.

Dans le cadre de cette gestion de crise, la responsabilité du praticien est-elle engagée différemment ?

La réquisition a cette valeur d’accompagnement financier, mais elle a aussi une valeur assurantielle et juridique. Nous sommes dans un mode dégradé et la réquisition est un élément structurant.

En effet, si en tant que gastro-entérologue, je prends en charge des patients qui ne relèvent pas de ma spécialité : quels sont les éléments sur lesquels je m’appuie si une perte de chance d’un patient était judiciarisée ? Pour pallier le manque de ressources humaines, des médecins peuvent se retrouver hors de leur cadre d’expertise.

L’autre point est d’éviter les pertes de chance de patients non Covid. Il faut installer une commission au sein des établissements, à l’instar de la commission d’éthique déjà présente, qui accompagne nos confrères dans la déprogrammation avec les références des sociétés savantes ou des collèges nationaux professionnels, dans une vision très territoriale. Ce collège protègerait les praticiens, mais aussi les patients sur le plan juridique. En cancérologie, les réunions de concertation pluri-disciplinaire font déjà ce travail.

Enfin, déprogrammer, c’est choisir les patients ! Ce choix ne doit pas être fait sur le plan national mais local et avec les acteurs du soin. L’ARS n’a rien à voir là-dedans.

Nous ne serons pas tous réquisitionnés et beaucoup de praticiens travaillent en groupe. Nous jouerons collectif. C’est l’idée déjà proposée « d’équipes de soins spécialisées », pour répondre aux soins non programmés dans un premier temps…, même si nous mettons ici le doigt sur la culture timide du partenariat en France.

Dans la perspective des élections aux URPS, vous avez créé une union entre Avenir Spé et Le Bloc. Quel est le rôle des URPS et pourquoi cette union ?

Il y a une méconnaissance et une sous-utilisation des URPS. On les avait construites pour faire le lien entre le terrain et la vision administrative de l’organisation de la santé dans une région. Aujourd’hui c’est un grand échec, même si je ne jette pas la pierre aux collègues qui y travaillent à la limite de leur temps. Il faudrait plus de collaborateurs et de professionnalisme. Certaines URPS jouent parfaitement leur rôle durant l’épidémie, en Occitanie par exemple .

Durant ces années, on s’est focalisé sur la médecine générale, et c’est une grave erreur car nous avons aujourd’hui un problème d’accessibilité aux soins d’expertise. L’usager veut une qualité de prise en charge, un accès à l’innovation : la médecine spécialisée est la mieux placée. Nous avons créé Avenir Spé à partir de ce constat et d’un constat d’échec des centrales pluri catégorielles. Le Bloc représente nos collègues chirurgiens avec qui nous travaillons tous les jours. La prise en charge est de plus en plus médico-chirurgicale et les gestes de plus en plus médico-techniques.

L’objectif est d’avoir un grand syndicat de médecins spécialistes qui puissent défendre nos spécialités et nos spécificités. Les chirurgiens se retrouvent dans Le Bloc, et les spécialistes dans Avenir Spé. Notre union est logique car nos problématiques sont identiques.