Docteur Olivier Jourdain, gynécologue-obstétricien, Polyclinique Jean Villar à Bruges (33), président de conférence nationale des présidents de CME d’Elsan
Je crois au caractère altruiste de la vaccination
Je suis vacciné depuis le 7 janvier, 2e jour de la campagne de vaccination dans notre établissement. Bien qu’éligible, je ne me considère pas le plus à risque mais je suis en contact avec beaucoup de monde et ma première responsabilité de médecin est de ne pas nuire à mes patientes. La vaccination est la clé pour stopper la transmission des formes graves de la maladie. Ma motivation médicale est là : les gestes barrière mais aussi la vaccination sont les précautions indispensables à prendre. Par ailleurs, président de la CME du groupe Elsan, je mise sur l’exemplarité. Enfin, je crois beaucoup au caractère altruiste de la vaccination et regrette que notre société devienne trop individualiste.
L’humilité responsable !
Toutes les paroles ne se valent pas. Il est fondamental de respecter une hiérarchie de valeurs entre une publication dans le New England Journal of Medicine ou sur Facebook. Je m’interroge : les journalistes auraient-ils démissionné d’une juste quête d’informations, en admiration béate devant les réseaux sociaux cités en référence en permanence ? Les médecins qui suivent classiquement la science sont vite ennuyeux pour les médias alors que la polémique les attire. Dans ce contexte d’incertitude liée à la pandémie, nul ne peut prétendre tout savoir mais les vrais scientifiques ne communiquent pas forcément bien. Ces derniers progressent non pas sur des certitudes mais sur des interrogations, ils ne s’intéressent plus à ce qu’ils ont déjà trouvé et encore moins à s’exprimer sur ces résultats mais aux questions qui restent à résoudre. Qui s’occupe vraiment de lutter contre les contre-vérités scientifiques ?
La science a avancé à une vitesse prodigieuse sur la Covid grâce à une quantité inédite de cerveaux qui se sont penchés sur le problème. Néanmoins, sur la pandémie qui a à peine un an, on ne sait pas tout et ce n’est pas grave de le dire. Nous avons besoin de développer une pédagogie de l’incertitude, c’est-à-dire être capables d’expliquer clairement les choses que l’on sait et celles que l’on ne sait pas, sans oublier de dire que cela peut changer tout le temps.
Dans ce contexte, sur le plan opérationnel, il est indispensable de faire preuve d’une humilité responsable en maniant une pédagogie de l’incertitude.
Docteur Jean-Louis Lacombe, néphrologue, DG de la Clinique St Exupéry à Toulouse (31), SantéCité
Je suis vaccinophile !
Je suis vacciné contre la Covid car nous n’avons pas le choix si nous voulons sortir de cette crise sanitaire et reprendre une vie normale. En tant que médecin au contact de patients, c’est impératif. Nous attendons de savoir précisément si, bien que vaccinés et porteurs sains, nous restons contaminants.
Il faut avoir confiance dans ce vaccin déjà administré à plusieurs millions de personnes dans le monde. De plus, le médecin que je suis doit montrer l’exemple auprès de notre personnel soignant, vecteur de contamination, qui pour une moitié, principalement les plus jeunes, ne veulent pas se faire vacciner. C’est parce que les sujets jeunes développent peu de formes sévères, qu’ils adhèrent moins à la vaccination. Néanmoins, la vaccination contre la Covid devrait être obligatoire dans notre contexte professionnel.
Olivier Véran a désormais priorisé les patients dialysés ou en stades 4 et 5 de la maladie. Nos patients adhèrent à plus de 80 % à la vaccination. Du fait de leur insuffisance rénale, ils ont une baisse de leurs défenses immunitaires, sont âgés et atteints de plusieurs comorbidités, il est donc impératif de les vacciner le plus vite possible. Dans notre établissement, environ 10 % des 472 patients dialysés ont été atteints de la Covid dont 4 sont décédés. Ces chiffres rappellent la fragilité de cette population. Les commandes de doses sont parties jeudi au CHU de Toulouse, dès que nous les recevrons, nous serons en capacité de vacciner tous nos patients sous une semaine.
Miser sur le bon sens et rappeler l’histoire
Les vaccins ont sauvé l’humanité. Rappelons l’exemple de l’hépatite B qui a fait des ravages. Avant le vaccin, nous avions en permanence dans les centres de dialyse un grand nombre de patients atteints d’hépatite B ainsi que les personnels soignants et les médecins. Aujourd’hui, aucun des 500 patients que nous prenons en charge n’est porteur du virus.
L’accent mis sur la nouveauté de la technologie a renforcé la suspicion ambiante. Or des équipes travaillent depuis des années sur cette nouvelle approche, dont un Français précurseur. D’une manière générale, j’observe une méfiance mais pas de défiance.
Docteur Alain Berthe, ORL, président de CME de la Clinique la Montagne à Courbevoie (92), Ramsay Santé
Un compagnonnage
Éligible, j’ai été un des premiers médecins à être vacciné. Il faut que chacun agisse selon ses propres convictions. Pour ma part, au cours de mes études de médecine, j’ai appris que la vaccination est un acte préventif fondamental qui évite des maladies dont les traitements sont incertains. La célèbre devise de santé publique « prévenir vaut mieux que guérir » n’en n’est que plus forte aujourd’hui. Surtout, mon expérience de médecin m’a confronté à quelques rares cas de patients atteints de maladies aujourd’hui éradiquées comme la coqueluche, la rage, la poliomyélite, etc., et aucun n’était vacciné. Ainsi, pour des raisons personnelles et professionnelles, je suis vacciné contre la Covid.
Au sein de la clinique, le taux d’inscription a bondi dès la mise en œuvre de la campagne. Nous n’avons qu’une semaine de visibilité et le planning de la semaine prochaine est plein. Je ne note aucun attentisme auprès de mes confrères et d’ailleurs, s’il nous reste une dose non administrée, une personne se présente immédiatement. Certains de mes confrères exerçant dans plusieurs établissements se sont aussi fait vacciner ailleurs.
La logistique est en place : les doses de vaccin proviennent du centre hyper-froid référent et sont acheminées selon le protocole requis, puis stockées dans le réfrigérateur dédié de notre pharmacie.
La parole scientifique est notre guide !
J’ai appris la médecine par mes maîtres, qui étaient des scientifiques. La parole du scientifique est fondamentale à partir du moment où cette personne est reconnue car elle a de nombreuses publications à son actif, elle travaille dans un laboratoire de recherche, elle a acquis la confiance de ses pairs, elle jouit d’une grande expérience. Ce sont les titres et travaux qui font les hommes scientifiques et non les médias que je respecte par ailleurs.
Les médecins sont imprégnés d’un enseignement savant de leurs maîtres acquis au fil d’un compagnonnage et je ne vois aucune raison pour eux de prêter le flanc à la culture du doute ambiant. Je crois la parole de ces scientifiques et il faut les mettre en avant.
Docteur Thierry Morvan, anesthésiste, président de CME de la Polyclinique Côte-Basque Sud (64), SantéCité
En médecine, il faut rester humble
Je suis vacciné contre la Covid depuis jeudi. De mon point de vue, la santé publique prime car je vois autour de moi trop de personnes qui souffrent sur le plan sanitaire, social et économique.
Les personnes éligibles dans le cadre de la phase 2 de la campagne nationale sont vaccinées depuis la semaine dernière. Nous avons mis en place la logistique selon les préconisations : une infirmière accueillait les professionnels de santé de l’établissement, je m’occupais de la consultation pré-vaccinale, une infirmière préparait les doses en provenance du CH de Bayonne puis administrait le vaccin, le patient se rendait enfin en salle d’attente pour une surveillance d’environ 15 minutes. Au sein du corps médical, nous atteignons quasi 100 % d’adhésion, à l’inverse, nous avons beaucoup de refus auprès des soignants. Selon moi, l’âge est un indicateur explicatif : plus on est jeune, moins on adhère à la vaccination.
Nous avons envisagé un temps de mettre à disposition des professionnels de santé pour participer à la vaccination de la population, mais au vu des 250 doses hebdomadaires que nous pouvions obtenir pour les 17 000 personnes de 75 ans et plus de notre territoire, nous avons abandonné le projet.
En France, nous avons beaucoup de sachants mais aussi quelques pseudo-sachants qui manient les affirmations et s’expriment dans les médias. Peut-on avoir un discours tranché aujourd’hui ? Les scientifiques doivent pouvoir dire aussi qu’ils ne savent pas ou qu’ils s’interrogent. Le doute fait partie de la science et de la médecine qui évolue. Peut-être que mes confrères iront en prison s’ils soignent dans trente ans leurs patients comme nous le faisons aujourd’hui. La pénicilline a tué quelques personnes et en a sauvé des millions, c’est la balance bénéfice-risque fondamentale de la médecine.