Pascal Roché, directeur général de Ramsay Santé
L’Hôpital Privé Est Parisien à Aulnay-sous-Bois a reçu la visite du Premier ministre Jean Castex samedi dernier, une première pour le secteur de l’hospitalisation privée. Comment avez-vous perçu et vécu cette visite ?
Nous avons reçu cette visite comme un signal très fort de reconnaissance de l’engagement des équipes, du rôle joué par le groupe Ramsay Santé et de celui de l’ensemble de l’hospitalisation privée. C’était une première !
La visite très protocolisée de 45 min s’est transformée en un échange d’1h30. La qualité d’écoute du Premier ministre et son intérêt sur le fond du métier ont frappé tout le monde. Les équipes, avec lesquelles il a longuement échangé, ont rappelé leur lassitude et leur crainte de devoir faire face à une situation identique à celle du printemps. De même, les médecins ont expliqué la régulation mise en place dès lors qu’un patient se dégradait, soit avec le service de réanimation du groupe Ramsay situé à quelques kilomètres, soit avec un établissement public. En effet, l’établissement d’Aulnay ne dispose que d’une unité de soins intensifs de cardiologie et a aménagé 23 lits de soins continus Covid. Au moment même de sa visite, les équipes d’Aulnay disposaient de 48 heures pour créer 10 lits supplémentaires, et d’autres établissements du groupe à Toulouse recevaient des patients transférés depuis le CHU de Nice. Le Premier ministre s’est exprimé à de nombreuses reprises sur cette agilité et flexibilité de l’hospitalisation privée qui travaille main dans la main avec les autres acteurs sanitaires.
Le ministre de la Santé, Olivier Veran, qui visitait il y a quelques mois l’Hôpital Privé d’Antony s’était alors intéressé au service de réanimation qui avait reçu au printemps jusqu’à 50 patients simultanément. Nous l’avions vécu également comme une grande et rare marque d’intérêt et de reconnaissance.
Quelles sont les réponses apportées aujourd’hui par les établissements Ramsay Santé en Île-de-France face à la crise ?
Le Premier ministre avait parfaitement en tête le rôle que Ramsay Santé joue depuis un an dans cette lutte contre l’épidémie. Il a rappelé que les débuts de polémique intersectorielle n’avaient aucun sens, et a reconnu la place prépondérante que l’hospitalisation privée occupe dans la prise en charge des patients atteints de la Covid, d’autant plus en Île-de-France et d’autant plus dans le département de Seine-Saint-Denis où nous représentons le premier acteur hospitalier tout statut confondu. Ramsay Santé gère 7 établissements dans ce territoire difficile, et l’établissement d’Aulnay avec 17 % des patients bénéficiaires de la CMU est très symbolique de cet engagement dans des missions très fortes de service public.
Aujourd’hui en Île-de-France, nous prenons en charge 17 % des patients Covid, c’est à dire 1 patient sur 6 et notons une montée en puissance depuis 15 jours. Vendredi, 190 patients atteints de la Covid étaient en soins critiques dans un de nos 17 établissements régionaux. Nous disposions d’une quinzaine de lits encore disponibles.
Jour et nuit nous nous coordonnons avec l’AP-HP qui accueille 37 % des malades. Sur l’année, Ramsay Santé a pris en charge 16 % des patients atteints de la Covid sur les 23 % accueillis par l’hospitalisation privée et a créé 380 lits supplémentaires. France entière, nous avons ainsi pris en charge plus de 12 000 patients et 6 000 en soins critiques.
En coordination permanente avec le DG ARS et nos collègues des secteurs public et privé, nous nous préparons à atteindre le palier 3 qui signifierait pour nous la mise à disposition de 227 lits, ce qui n’est pas hors d’atteinte. En revanche, si nous devions atteindre le palier 4, c’est-à-dire la mise à disposition d’environ 300 lits, à l’instar des autres acteurs, Ramsay Santé se heurterait à la question des ressources médicales et soignantes ainsi qu’au seuil actuel de 40 % de déprogrammation. Un chiffre a marqué le Premier ministre : 241 soignants exerçant dans les établissements Ramsay Santé de régions peu touchées par la Covid avaient apporté leur aide lors de la première vague, nous en avons aujourd’hui seulement 3 !
Comment votre groupe de santé se prépare-t-il à faire face à d’autres crises sanitaires à venir ?
Si 95 % de notre énergie est actuellement consacrée à la crise, un plan de continuité d’activité est intégré à notre plan stratégique à 5 ans. Concernant la gestion de cette épidémie, nous avons acheté en excédent équipements et produits pour répondre à tous les scénarios durant l’été. Nous avons optimisé les processus RH : se munir par exemple des éléments nécessaires pour rappeler des cadres ou directeurs récemment retraités afin de remplacer des pairs malades. Je crois beaucoup à ces petites actions d’anticipation.
Dès la 2e semaine d’avril, j’ai demandé à notre directeur audit groupe, d’une part, de challenger la cellule de crise dès lors qu’un consensus trop rapide s’imposait et que nous pouvions manquer de recul, et d’autre part, de retenir parallèlement les leçons sur 9 chantiers – médicaments, standardisation des processus, etc – avec l’objectif de réagir dès que nous connaîtrions un peu de répit.
Par ailleurs, nous nous appuyons sur nos 133 établissements en France et 350 en Europe. Le 4 avril, nous prenions le risque de faire venir des respirateurs, pousse-seringues, médicaments, de nos établissements du sud-ouest, pas touchés à ce moment-là, ou encore nous avons bénéficié de matériel en provenance du Danemark. Cette couverture française et européenne permet d’optimiser en permanence les ressources.
Je retiens au final que la première et la plus grande solidarité est celle qui existe avec nos collègues des secteurs public et privé. La solidarité à l’œuvre en novembre à Saint-Étienne entre le CHU et l’Hôpital Privé de la Loire en est un excellent exemple.
Le Premier ministre nous l’a rappelé : nous sommes tous unis pour jouer notre rôle et le faisons tous avec fierté et nécessité. Tous les acteurs se retrouvent de facto sur ce qui est l’ADN de notre métier : la qualité des soins et la capacité de prise en charge, encore davantage dans une telle crise sanitaire.