Gérard Raymond, président de France Assos Santé
Face à la pandémie de la Covid quel est le sentiment des usagers de la
santé ?
Le sentiment des usagers de la santé, tout comme celui des citoyens, varie entre inquiétude, indignation et résignation. Pour nous, responsables associatifs, c’est un moment difficile. Nous entendons et vivons ces souffrances, et devons aussi raison garder. Nos inquiétudes portent sur les déprogrammations. La question n’est pas de savoir comment nous en sommes arrivés là ; nous aurons le temps d’analyser dans le futur les responsabilités de chacun. Aujourd’hui, nous devons accompagner les soignants et les patients, et avec eux, trouver des solutions humaines à cette situation dramatique.
Selon vous qu’avons-nous mal ou pas fait ?
Le triptyque protéger – tester – isoler n’a pas été suffisamment respecté. Nos dirigeants n’ont pas su, à cause d’une communication cacophonique, expliquer les gestes barrières.
En mars 2020, le politique et les scientifiques ont joué sur la peur : « Rentrez chez vous ! Enfermez- vous ! », nous ont-ils dit, sans évidemment consulter les associations et les citoyens. Ce sentiment irrationnel, allié à une communication anxiogène, n’a pas favorisé notre confiance en toutes ces mesures. Même si aujourd’hui, nous sommes consultés, les déprogrammations s’accélèrent et s’ajoutent au retard pris au printemps dernier pour les autres patients dans leur prise en charge. Il n’y a hélas pas de bonne solution : un confinement strict désemplirait peut-être rapidement les urgences, mais remplirait à coup sûr les services psychiatriques.
Quels enseignements tirez-vous de la crise ?
Nous n’étions pas prêts et n’avons pas su la prévenir.
Il faudrait accélérer une politique de recueil de données de santé pour que nous ayons en temps réel des chiffres qui nous donnent un aperçu de la réalité sanitaire du territoire et de la répartition des pathologies. Il faut que la méthodologie de comptabilisation soit homogène, qu’elle soit nationale, voire européenne. La stratégie numérique santé mise en place aujourd’hui est certainement la bonne voie.
La seconde chose serait le développement du dialogue entre tous les acteurs : veiller à ce que chacun puisse s’exprimer et que même les idées des non-spécialistes (les patients) soient aussi considérées.
En 2022, à l’heure du bilan, nous constaterons une forte augmentation du nombre de patients atteints de pathologies graves car dépistées trop tard. Le suivi n’a pas été fait correctement et leur prise en charge encore moins. Nous souhaitons qu’un dialogue régulier entre les établissements de soins, au sens large du terme, et les représentants des usagers de la santé soit instauré. C’est en apprenant à dialoguer ensemble, professionnels de santé, administrations et représentants des usagers, que nous trouverons des solutions. Le seul remède aujourd’hui est la vaccination, les mesures barrières, et le sens des responsabilités de chacun d’entre nous.
Cependant, là encore, pour la vaccination, la stratégie et la logistique posent question. Espérons qu’à l’été 2021, la multiplication des professionnels de santé habilités à vacciner et la production en masse des vaccins nous permettront de sortir de cette crise.