Combien de temps faut-il pour lire les 1,15 million de mots ajoutés en 18 ans au code de la santé publique, sans parler de les mettre en pratique ? L’intelligence artificielle devrait s’intéresser à cet exercice humainement impossible. Les normes en France se multiplient sans cesse et celles du secteur sanitaire, trois fois plus nombreuses que celles du code du travail ou de l’environnement, caracolent de très loin en tête !
Est-ce la marque d’une crise de confiance dans les acteurs du soin, ou/et de l’État en lui-même ? Entre maturité insuffisante des décideurs, volonté de contrôle et de standardisation, le sacro-saint principe de précaution, les acteurs de santé font les frais de cette inflation normative pesante, délétère et sclérosante. À titre d’exemple, comment expliquer que les techniques de reprocessing des dispositifs médicaux sont admises dans de nombreux pays et toujours interdites en France, malgré la mobilisation des acteurs sur ce dossier, dans un contexte politique qui souhaite avancer de manière pragmatique en matière de développement durable !
En effet, parler de la simplification, c’est bien, la mettre en œuvre, c’est mieux ! Les 14 ministres de la Santé qui se sont succédés depuis 1991 ont accouché d’une dizaine de grands textes : création des SROS, ARH, groupements de coopération sanitaire, réforme du droit des malades, plan Hôpital 2007, instauration de la T2A, création des GHT, CPT, PTS, réforme des autorisations, etc. Quand seuls 5 textes importants ponctuaient les années 1970 à 1990, un texte vient bousculer le secteur tous les deux ans depuis 20 ans. Si cette dynamique favorise les emplois de la filière législative, elle freine dangereusement ceux du soin.
Comment s’affranchir de ces carcans pour penser les modèles de santé de demain ? À défaut, l’innovation dans toutes ses formes ne trouvera un écho au sein de notre système de santé, au mieux avec retard. Il faut rappeler les enquêtes « attractivité » qui mettent en évidence une diminution significative de la participation de la France aux essais cliniques internationaux depuis 2015, au profit d’autres zones géographiques émergentes telles que les pays de l’Europe de l’Est. La France est aujourd’hui pénalisée par ses longs délais administratifs qui retardent la mise en place des essais. Les scandales sanitaires qui se sont produits en France sont en partie responsables de la dégradation des délais, en donnant lieu à des lois plus contraignantes et à des réorganisations profondes au sein des instances réglementaires. Les lourdeurs administratives françaises sont ainsi à l’origine d’une baisse de la compétitivité du pays à l’échelle européenne et mondiale, dans un contexte où les laboratoires pharmaceutiques, soumis à une forte concurrence, cherchent à accélérer les temps de développement des médicaments.
La simplification du dispositif normatif pourrait immédiatement commencer par supprimer 2 mots quand 1 est ajouté, et se poursuivre par la suppression simple de nombreux autres. Pour cela, il s’agira avant tout de (re)construire et d’affirmer une authentique confiance dans les acteurs de terrain qui ont capacités à prendre des initiatives à l’image des 272 expérimentations répertoriées au sein du dispositif dit «article 51».
Frédérique Gama
Présidente de la FHP-MCO