1,2, 3 Questions – Stéphanie Becuwe

Stéphanie Becuwe, déléguée régionale FHP Hauts-de-France

Quels sont les principaux dossiers sur votre bureau ?

Le dossier du Ségur dans son volet « élaboration de la stratégie d’investissement en santé en région » est incontestablement un gros chantier. Si le budget fléché vers notre région s’élève à environ 610 millions d’euros, le secteur privé n’est éligible qu’à une seule partie allouée via le FIR d’environ 90 millions. L’essentiel du financement est à destination des établissements participant au service public hospitalier, un statut auquel les établissements privés n’ont pas accès. De plus, il est fort regrettable qu’un seuil d’au moins 20 millions d’euros de financement par projet soit exigé quand on sait que notre secteur reconstruit un établissement pour 9 millions ! Toutefois, nous allons défendre des projets privés, structurant, associant plusieurs acteurs du territoire, soutenus par les élus, répondant ainsi aux critères, mais ils coûtent moins de 20 millions…

De plus, des établissements publics des Hauts-de-France seront bénéficiaires de 650 millions d’euros supplémentaires pour réduire leur dette. Nous ne jouons pas dans la même catégorie.

Simultanément, l’ARS Hauts-de-France a enclenché une révision intermédiaire du PRS, avant sa révision totale en 2023, sur 3 volets : les équipements lourds, la médecine et la psy. Nous défendons des autorisations de TEP, IRM, et scanner dont toutes cliniques doivent désormais disposer. Sur ce sujet, la tutelle est véritablement à l’écoute des besoins. Nous n’aurons pas gain de cause sur toutes nos demandes mais nous disposons d’arguments solides pour les défendre.

Se profilent également les réformes des autorisations et du financement. Les critères sur lesquels la dotation populationnelle est forgée sont difficiles à appréhender. Les négociations seront régionales, les ARS vont monter en puissance et les FHP régionales aussi.

Enfin, nous répondrons de notre mieux aux multiples appels à projets lancés par l’ARS : labellisation des hôpitaux de proximité, parcours global après traitement de cancer, ou encore les 1 000 premiers jours. Ce dernier est sujet à tension car la note de cadrage exclut de facto nos établissements. Cette activité est particulièrement sensible dans notre région qui connaît une diminution du taux de natalité des plus importantes en France. La pénurie de gynécologues-obstétriciens a conduit deux maternités privées à fermer au cours des deux dernières années. Nous travaillons à l’obtention du niveau 2 A pour 3 maternités qui en ont les ressources, une position qui renforcerait la place du secteur privé en complément des 2 actuelles. Chacun sait que ce critère est attractif pour recruter des gynécologues.

Comment se présente le dossier du Service d’accès aux soins dans votre région ?

Sur les 22 expérimentations nationales, 2 sont dans notre région et chacune a opté pour une gouvernance différente : un SAS est organisé sous forme de convention et l’autre via un GCS.

Pour l’heure, en Hauts-de-France, les établissements de santé privés ne sont pas intégrés dans le projet piloté par le CHRU de Lille et le CHU d’Amiens, les Samu, puis les médecins libéraux. Or nous souhaitons être associés dès la gouvernance au risque de ne pas être visibles ensuite dans le dispositif.

Notre autre point de vigilance est celui d’intégrer les centres de consultations non programmées privés (CSNP). Nous disposons de 6 services d’urgence articulés avec un centre de soins non programmés. Il est incompréhensible que l’ARS pousse d’une part le secteur à ouvrir des centres de soins non programmés pour désengorger précisément les urgences publiques constamment débordées, et d’autre part ne les intègre pas dans le SAS. Cette sous-utilisation est délétère.

Selon vous, l’hospitalisation privée capitalise-t-elle sur la reconnaissance acquise durant l’épidémie ? 

Tout d’abord, il est rageant de voir que les établissements peuvent enfin reprendre l’activité après de longs mois de déprogrammation, que les médecins sont extrêmement volontaires pour rattraper les reports de soins mais que nous subissons une pénurie inédite de soignants. Nous tirons la sonnette d’alarme auprès de l’ARS depuis des semaines. Je n’avais jamais vu cela : des établissements privés ferment des services faute de personnel. La différence de traitement du Ségur 2 entre nos deux secteurs hospitaliers n’arrange rien.

La crise sanitaire a démontré que les coopérations et le dialogue entre les acteurs rendent plus efficace notre système de santé : la vision GHT centrée est trop partielle et n’est donc pas optimale. Le secteur privé est agile et plein de ressources. La réflexion sur l’offre de soins doit vraiment se faire au niveau territorial. Pour exemple, nous demandons de nouvelles autorisations en soins critiques car il n’y a qu’un seul service autorisé de 13 lits de réanimation alors que les cliniques ont armé jusqu’à 110 lits durant l’épidémie.

D’une manière générale, notre DGARS réfléchit avant tout en termes de territoire et avec l’ensemble des acteurs, comprenant que l’efficacité repose sur cette coopération. Arrivera-t-il à la faire perdurer ? Et transformerons-nous l’essai ?