1,2, 3 Questions – Nabil Mansour

Dr Nabil Mansour, président de la FHP Martinique

La 4e vague Covid frappe particulièrement les îles caraïbes, quelle est la situation sanitaire actuelle à la Martinique ?

Alors que nous avons été relativement épargnés par les trois premières vagues, celle qui nous touche actuellement prend la forme d’un tsunami, une lame de fond très violente nommée Delta. Nous avions enregistré 35 décès Covid pour les 3 premières vagues, nous en sommes actuellement à 430, pour une population de 360 000 habitants. La contagiosité du virus, couplée à la faible couverture vaccinale de la population, de l’ordre de 30 %, liée à des réticences irrationnelles, nous place aujourd’hui dans une situation dramatique. Les avis d’obsèques annoncés à la radio tous les matins à 6h durent actuellement près d’une heure et demie contre 15 minutes en temps normal, et le pic de la pandémie n’est pas encore atteint !

Comment s’organise l’accueil des patients Covid ?

Le CHU de Fort de France est la porte d’entrée de toutes les urgences Covid. Le service de maladies infectieuses compte 20 lits en temps normal et aujourd’hui, pour le seul CHU, environ 340 lits sont armés médecine Covid. Le CHU comptait 10 lits de réanimation Covid, puis 20, puis 30, puis 40… puis l’armée est venue en renfort et aujourd’hui, le CHU gère 80 lits de soins critiques.

La Clinique Saint Paul est le seul établissement MCO de l’île et nous avons logiquement été sollicités par l’ARS pour soulager le CHU et installer des lits de médecine post-Covid. L’ARS nous a ensuite demandé de upgrader notre unité de soins continus en une unité de soins intensifs. Aujourd’hui, sur les 2 sites de l’établissement, nous avons 80 lits dédiés à l’activité Covid, dont 10 lits de soins intensifs et réanimation, équipés avec notre propre matériel car j’avais anticipé il y a 10 mois et fait l’acquisition de matériel pour un service de réanimation de 15 lits. Parmi les 10 patients ventilés et intubés dans ce service, nous avons 2 jeunes femmes de 26 et 27 ans qui viennent d’accoucher et qui ont développé des détresses respiratoires 3 jours après, et un jeune homme de 24 ans. L’ARS planifie des évacuations vers la métropole de patients ventilés et intubés pour libérer de la place. Il y aurait dans les lits de médecine du CHU environ 120 patients éligibles à un service de réanimation, mais qui n’en bénéficient pas faute de place.

Nous avons une très bonne relation avec l’ARS, qui nous aide beaucoup au niveau de la logistique. La réserve nationale nous a fourni du personnel médical et paramédical pour pouvoir exploiter ces 10 lits de réanimation. Notre propre personnel a été formé par du personnel très aguerri venu de métropole, notamment de Nancy et Strasbourg, qui ont vécu une première vague d’une grande intensité. Des réanimateurs médicaux originaires de Lyon, de l’Est, de Bordeaux… sont également venus en renfort. Cela fait un mois que notre service de réanimation éphémère fonctionne avec un taux d’occupation de 100 %.

Et la continuité des soins ?

Alors que nous accueillons 18 000 patients en chirurgie chaque année, notre activité se cantonne actuellement à des urgences et la continuité des soins des malades en cancérologie. 90 à 95 % des moyens de la clinique sont mis au service de la population pour les patients Covid. Nous avons déprogrammé toutes les interventions depuis un mois, mais je souhaite reprendre une petite partie de notre activité avec une unité dédiée de 4 blocs et 1 salle de réveil, avec du personnel vacciné bien sûr. Je l’ai annoncé à l’ARS car la situation Covid risque de durer malheureusement et tous les patients ne peuvent pas attendre.

Le taux de vaccination parmi notre personnel dépasse les 60 % et nous espérons une bonne progression de la primo vaccination d’ici 15 jours. La population commence à réaliser l’importance de se faire vacciner, aussi, nous avons ouvert un centre à la clinique et la fréquentation commence à augmenter.