La vaginose bactérienne, trop souvent négligée


Fréquente (15 à 20 % des femmes) et considérée comme bénigne, la vaginose n’attire que bien peu l’attention. Son caractère intime est bien sûr en cause, ainsi que son intrication avec les maladies sexuellement transmissibles et l’idée fausse d’un manque d’hygiène qu’elle véhicule dans l’imaginaire collectif. Pourtant, si ses causes et ses conséquences sont effectivement le plus souvent bénignes, sa reconnaissance, sa prévention et son traitement pourraient bien s’avérer bien plus nécessaires qu’on ne le croit.

Un déséquilibre du microbiote vaginal

La vaginose est en rapport avec un déséquilibre de la flore vaginale (ou microbiote vaginal). A l’instar de la flore intestinale, celle-ci est régie par une subtile composition de ses bactéries. Le microbiote se caractérise ainsi par un équilibre entre germes aérobies et germes anaérobies. Il a un rôle de protection contre les bactéries pathogènes et les infections sexuellement transmissibles. Dans une vaginose bactérienne, les lactobacilles sont en nombre insuffisant et les bactéries anaérobies (comme Gardnerella vaginalis, Megasphaera  spp et Atopobium Vaginae) sont surreprésentées.

Chez 25 à 43% des femmes et adolescentes, la vaginose disparaît spontanément. En cas de traitement, celui-ci est très efficace, mais malheureusement, la vaginose est très récidivante. Dans 30% des cas, elle réapparaît dans les 3 mois qui suivent le traitement, dans 50% des cas dans les 6 mois et dans 60% des cas dans l’année.

Avant tout, faire un diagnostic

La vaginose peut être asymptomatique ou se manifester par des pertes grisâtres malodorantes (sa manifestation la plus fréquente). Il ne faut pas s’y tromper, car ces symptômes peuvent également être en rapport avec d’autres cause qu’une vaginose, comme des maladies de peau (eczéma, psoriasis…), une allergie (au préservatif notamment)… Des difficultés psychologiques, relationnelles ou sexuelles peuvent également provoquer des signes vaginaux.

Une vaginose bactérienne peut être associée à d’autres infections vaginales, plus problématiques. C’est donc bien au médecin de poser le diagnostic dès le départ et de demander des examens complémentaires si cela lui semble nécessaire. Il éliminera ainsi une infection sexuellement transmissible (gonococcie, maintenant rare, mais aussi chlamydiose, une infection plus pernicieuse de par son caractère très contagieux ainsi que par ses nombreuses formes asymptomatiques et le risque de salpingite – infection des trompes – qui lui est associé…).

Les risques de la vaginose

Bien que bénigne, elle peut poser des problèmes lors de la grossesse : elle peut être à l’origine d’un accouchement prématuré, d’une infection, d’une fausse couche spontanée ou d’un bébé de faible poids.

En dehors de la grossesse, les infections vaginales basses modifient la glaire cervicale. Or celle-ci joue un rôle important dans la fertilité car elle facilite le passage des spermatozoïdes vers l’utérus et les trompes. Lors d’une infection, la glaire cervicale est moins fluide, moins perméable aux spermatozoïdes, ce qui peut freiner la fécondation.

Des études ont d’ailleurs montré un lien entre vaginose bactérienne et infertilité, notamment tubaire :

  • dans une étude, la vaginose bactérienne a été retrouvée chez 31,5 % de femmes atteintes d’infertilité tubaire et chez 19,7 % des femmes atteintes d’un autre type d’infertilité.
  • une autre étude a démontré que la vaginose bactérienne était 3,3 fois plus fréquente chez les femmes infertiles que chez les femmes en fin de grossesse.

Chez les femmes en échec répété de fécondation in vitro (FIV), une étude chinoise récemment publiée s’est posé la question du rôle de l’altération du microbiote vaginal dans ces échecs. Pour tester cette hypothèse, le microbiote vaginal de 67 femmes ayant tenté une FIV a été analysé. Les résultats montrent, en cas d’échecs répétés de FIV, une flore microbienne plus abondante, avec davantage de bactéries associées à diverses infections (vaginose bactérienne, vaginite, infection urinaire) et, en revanche, relativement moins de lactobacilles. Selon les calculs des auteurs, le succès de la FIV dépassait 72 % lorsque le microbiote vaginal était dominé à plus de 90 % par les lactobacilles, et tombait à 34 % dans le cas inverse.

Des causes variées

De nombreuses causes peuvent être identifiées parmi lesquelles la prise d’antibiotiques, qui, en entraînant la disparition de certaines bactéries, favorise le développement d’autres espèces bactériennes. D’une façon qui peut paraître paradoxale, le traitement de la vaginose repose néanmoins sur des antibiotiques qui vont cibler les germes pathogènes en cause.

Autre facteur favorisant bien connu, l’excès d’hygiène. De la même façon que pour les antibiotiques, des soins d’hygiène trop fréquents (les douches vaginales en particulier sont à proscrire définitivement) risquent de favoriser la diminution de la population bactérienne bénéfique sans parvenir à juguler les bactéries pathogènes. Le port de vêtements trop serrés et synthétiques favorise la macération propice au développement des germes. La carence estrogénique peut également avoir un rôle ainsi que la consommation de tabac qui modifie à la fois la flore et les métabolites de la sphère vaginale. Les rapports sexuels, même en l’absence de germe pathogène peuvent favoriser leur développement par une action mécanique ou chimique. Le sperme est alcalin, au contraire du vagin dont le pH est acide. Cette alcalinisation est susceptible de déséquilibrer la flore.

On le voit, certaines causes sont modifiables sans trop de difficulté (une seule douche par jour, porter des sous-vêtements en coton, limiter sa consommation de tabac…), d’autres sont plus difficiles à maîtriser (la prise d’antibiotiques, les rapports sexuels…). Ce qui semble avéré maintenant, c’est qu’une prise en charge de cette pathologie est nécessaire non seulement pour des raisons de confort mais aussi pour préserver la fertilité des femmes.

Sources