Dr Paul Garassus, neurologue, président de l’Union européenne de l’hospitalisation privée (UEHP), expert au BIAC
Vous venez d’être nommé expert au BIAC auprès de l’OCDE, quel est votre mission ?
J’ai en effet été nommé au BIAC (Business Industry Advisory Committee) de l’OCDE, où siègent les représentants de la société civile, professionnels et industriels porteurs de solutions et d’innovation. Ce département produit un travail scientifique d’analyse et de conseil qui permet d’orienter les travaux de l’OCDE. L’objectif est d’enrichir par une expérience de terrain la connaissance des enjeux actuels dont vont émerger les recommandations finales transmises par l’OCDE. Le rôle d’expert, en l’occurrence dans le champ de la santé et l’économie de la santé où j’exerce, est d’influer sur les politiques internationales de régulation de façon propositionnelle. L’OCDE est reconnue par la qualité de ses travaux et recommandations sur la régulation économique internationale. Ainsi la « global minimum corporate tax » annoncée cet été par l’administration Biden est une proposition OCDE. Mais aussi l’engagement en faveur de la distribution des vaccins dans des pays tiers. Ou enfin les éclairages techniques tels que les publications annuelles « Health At A Glance » qui sont des références absolues en économie de santé. Collaborer à l’intégration de solutions communes dans des sociétés interdépendantes est une chance. La pandémie le montre, il faut une régulation dans un système complexe où la production, non plus des matières premières mais des produits à valeur ajoutée, se fait de façon asymétrique. Dans l’analyse et la compréhension des chaînes de valeurs, les conseils de l’OCDE ne sont pas théoriques mais pratiques et visent une meilleure coordination des états.
Votre engagement au sein de l’OCDE est-il une suite de votre engagement européen comme président de l’UEHP pour l’hospitalisation privée ?
C’est pour moi une parfaite continuité dans mon engagement qui est celui de la recherche de l’efficience à un niveau européen, associant le savoir médical et la réflexion économique. L’expérience commune que nous partageons au sein de l’UEHP est une chance pour proposer des solutions non pas en s’enfermant dans une vision dogmatique mais en capitalisant sur nos expériences d’acteurs de terrain impliqués. Les défis organisationnels dans un monde ouvert nécessitent tout à la fois adaptabilité et interaction des professionnels. Le secteur privé est riche d’initiatives. Sortir de la seule dimension réglementaire pour contribuer à des solutions efficaces implique une connaissance internationale. J’exerce actuellement mon quatrième mandat consécutif à la Présidence de l’UEHP et c’est bien cette expérience capitalisée en Europe qui est à partager.
Votre actualité est aussi la publication d’un livre « Éthique et argent en santé », une autre facette de votre engagement ?
Ce livre est le résultat de six mois d’écriture pendant le confinement. C’est un regard et une écriture croisés avec le Pr Christian Hervé, éthicien. En tant que médecin et côtoyant tous les acteurs économiques du secteur, je me suis interrogé sur comment le savoir médical et l’expérience soignante peuvent orienter positivement la performance des systèmes de santé ? Comment un praticien qui, à mon sens, doit être également formé à l’économie de santé, doit imposer et faire respecter son éthique médicale ? Mais il est également éthique d’être efficient, une approche systémique est alors requise. D’autres interrogations apparaissent également comme la place de la parole scientifique dans le débat médical et social : qui et comment croire ? Quels sont les biais de communication des scientifiques aujourd’hui sous pression médiatique ? Qu’est-ce qu’un médecin peut requérir comme place au service d’une population qui est parfois dans le doute ou l’inquiétude ? Cette question du leadership médical se pose aujourd’hui de façon aigüe, et nous avons cherché à contribuer par un dialogue positif, à traduire l’engagement de soignants, associant l’éthique et l’économique.
« Éthique et argent en santé, les enjeux du débat », préface de Frédéric Bizard, est publié aux Editions ESKA. Auteurs : Dr Paul Garassus et Pr Christian Hervé.