Santé de l’adulte et poids de naissance : quel rapport ?

Les maladies cardiovasculaires et métaboliques ont été pendant longtemps attribuées par l’opinion publique à un mode de vie inadapté, culpabilisant bien souvent les personnes atteintes. On sait aujourd’hui que la génétique joue un rôle prépondérant dans l’émergence de ces maladies, même si l’hygiène de vie et la nutrition peuvent contrebalancer l’impact de ces prédispositions génétiques. Mais un autre facteur pourrait bien intervenir : le poids de naissance. Petit tour d’horizon des différents paramètres en jeu.

L’intrication de facteurs environnementaux et génétiques

15% : c’est le calcul de l’impact de la génétique sur le poids de naissance réalisé par une équipe de l’Université d’Exeter qui a étudié le génotype de participants par rapport à leur poids de naissance. Un impact 6 à 7 fois plus élevé que celui des facteurs environnementaux. Pour mener à bien cette enquête, les génomes de plus de 150 000 personnes ont été passés au crible. Les chercheurs ont ainsi repéré 60 régions du génome intervenant dans le poids de naissance avec un recoupement important avec des régions liées à un risque plus élevé de diabète ou de maladie cardiaque.

Un poids de naissance faible avait déjà été associé à un risque accru de maladies métaboliques chez l’adulte, comme le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires. Une étude suédoise montre également qu’un poids faible augmente le risque de troubles psychiatriques. Malgré la place importante de la génétique, un certain nombre de facteurs environnementaux ont également été identifiés comme favorisant le faible poids de naissance : le tabagisme maternel durant la grossesse, l’obésité maternelle, l’hypertension artérielle, la pollution ou encore un faible niveau d’éducation chez la mère.

A contrario, les mères diabétiques ou souffrant de diabète gestationnel ont plutôt de gros bébés, mais ils ont eux aussi des risques plus élevés de diabète à l’âge adulte. Selon certaines études, surpoids ou obésité chez la maman seraient plus impliqués encore que le diabète gestationnel. Et malheureusement, la fréquence du surpoids et de l’obésité augmente chez les mères.

Le rapport poids/taille a aussi son importance

Mais si le lien entre faible poids de naissance et problèmes cardiaques et mort précoce avait déjà été fait, il est plus rare que les études s’intéressent à la taille de naissance.

Une étude de l’Université d’Augusta (USA), s’est penchée sur le poids et la taille de naissance de 379 adolescents américains âgés de 14 à 18 ans et les a soumis à une batterie de tests.

Les scientifiques ont découvert que les enfants ayant eu un indice pondéral faible à la naissance (un faible poids par rapport à leur taille) ont des risques accrus d’avoir un ventricule gauche plus gros, ce qui peut être un indice de maladies cardiaques à l’avenir. Prendre en compte à la fois le poids mais aussi la taille de naissance, permettrait ainsi de différencier les bébés qui naissent petits en raison de gènes familiaux des enfants dont la croissance intra-utérine a été entravée par d’autres facteurs tels que la santé de leur mère.

La théorie de la programmation fœtale

C’est ainsi qu’un nouveau concept a vu le jour, à partir de données indiquant que la grossesse est une étape cruciale pour la santé cardiovasculaire de l’adulte en devenir. C’est le principe de l’origine développementale de la santé et des maladies ou « programmation fœtale ». Dans certains cas, qui représentent environ 50.000 naissances par an en France, le faible poids de naissance d’un bébé né à terme est lié à une anomalie de la croissance du fœtus ou retard de croissance intra-utérin (RCIU). Des modifications épigénétiques (des modifications de l’expression des gènes) induites par l’altération du milieu intra-utérin, par exemple par des modifications des nutriments apportés au fœtus, sont suspectées d’être à l’origine d’un défaut de croissance des organes. Ainsi, le pancréas par exemple pourrait voir diminuer son nombre de cellules béta du pancréas (celles qui sécrètent l’insuline), ce qui pourrait favoriser la survenue ultérieure d’un diabète. Même chose pour le rein, qui aurait moins d’unités fonctionnelles à la naissance, facteur de risque d’hypertension ou encore pour le développement cérébral, ce qui pourrait augmenter le risque de troubles psychiatriques. Le nouveau-né serait ainsi « programmé » pour certaines maladies.

Pour autant est-ce inéluctable ?

Pas de panique cependant, les spécialistes pensent qu’il s’agirait plutôt d’une prédisposition que d’une « prédestination ». Mais ces données et études successives expliquent bien l’attention extrême portée à la période de la grossesse et même de la conception. Les spécialistes considèrent que la période dite « des 1000 jours » (de la conception aux 2 ans de l’enfant), est bien sûr une période à risque, mais aussi le moment privilégié pour inverser la tendance, notamment par l’application de mesures d’hygiène de vie et de diététique précoces, autant pour la future maman que pour le bébé. Et on ne saurait trop rappeler l’importance du bénéfice de l’allaitement maternel, qui doit être privilégié à chaque fois qu’il est possible.

Sources