1,2, 3 Questions – Nicolas Brun

Nicolas Brun, coordonnateur pôle de protection sociale santé à l’Union nationale des associations familiales (UNAF)

La problématique de coordination du parcours de soins revient souvent dans les discours, pourquoi ?

Le parcours de soins doit se construire selon une approche globale de mobilisation de l’ensemble des intervenants et parties prenantes de ce parcours, autour d’un objectif partagé. Il ne doit plus uniquement être centré sur le sanitaire mais doit englober le médico-social et le social. Il doit prendre en compte le patient et l’ensemble de son environnement.

L’organisation du parcours de soins est également un formidable levier d’organisation au niveau de la transformation de notre système de santé qui devrait contribuer à passer d’une activité professionnelle individuelle à une action pensée en équipe et dans laquelle le patient a toute sa place. C’est un chantier au long cours qui a démarré il y a une quinzaine d’années mais qui reste encore très perfectible. Ainsi l’amélioration de la coordination des acteurs des champs du sanitaire, du médico-social et du social doit encore sensiblement progresser.

Quels sont les retours de terrain que vous recevez à l’UNAF ?

Les retours les plus fréquents que nous avons à l’UNAF est le manque de coordination des parcours. Les patients et leurs familles nous indiquent que c’est souvent eux qui assurent la coordination des interventions des différents intervenants (voir même les transmissions). Ils y passent souvent plusieurs heures par semaine. Le parcours de soin se transforme trop souvent en un vrai parcours du combattant. Une prise en charge à domicile nécessite parfois l’intervention de 10 personnes chaque jour au domicile du patient. La prise de rendez-vous dans différents services, le manque de communication entre différentes structures peuvent également contribuer à alourdir la charge qui pèse sur le patient ou ses aidants. Une logistique bien huilée et une communication sans faille entre les différents partenaires doivent être mises en place afin que la prise en soin soit efficace, visiblement ce n’est pas toujours le cas.

À l’heure où l’on parle de virage domiciliaire, il doit y avoir une adéquation entre un modèle de prise en soin qui est attendu par les patients et la réalité du terrain. Un vrai travail d’organisation reste à faire pour traduire dans « la vraie vie » les recommandations sur l’organisation des parcours de soins des textes réglementaires.

La prise en soin dans le cadre d’un parcours nécessite également que soient bien définies les responsabilités et les rôles de chacun. Il faut être notamment attentif à ce qu’il n’y ait pas un transfert de responsabilité des professionnels vers les patients ou leurs proches.

La marge d’amélioration en termes de qualité et d’efficience de ce système est substantielle et mérite qu’on s’y penche davantage, étant donné qu’un parcours bien organisé produit de la confiance de la part d’un patient sur les actions des professionnels. La coordination concerne également les financements des prises en charge, car des ruptures dans les parcours peuvent également être dues à cela.

Le patient doit enfin pouvoir participer activement, s’il le souhaite, à l’élaboration de ce parcours et en définir, avec les professionnels qui l’entourent, les contours et les éventuelles évolutions. Ceci devrait contribuer à ce que l’organisation du parcours soit au service du patient et non l’inverse.

Quels sont les freins à une bonne coordination ?

C’est avant tout une question de culture des professionnels de chaque domaine, sanitaire, médico-social, social… Dès que ces domaines interagissent, on arrive parfois à des niveaux de complexité importants. Par ailleurs, les cultures, les références, les codes, les temps de ces professionnels sont différents et peuvent être source d’incompréhension. Une acculturation mutuelle entre les différents intervenants est donc nécessaire.

Les patients et les associations peuvent faciliter cette acculturation, de même les représentants des usagers, qui peuvent contribuer à la formation des différents professionnels avec des exemples concrets : « Dans la vie réelle voilà ce que vit le patient et ses proches … ». Des améliorations sont possibles pour atteindre les objectifs qui sont donnés à cette médecine de parcours. Je suis représentant des usagers en MCO mais aussi en HAD et mon constat est simple : si on ne prend pas en compte, l’offre de soins sur le territoire où vit le patient mais aussi l’environnement culturel, l’isolement social, les conditions d’hébergement, etc. de la personne, on aboutit à des échecs, tant sur l’organisation que sur l’aspect thérapeutique et parfois même éthique de la prise en soin.

L’accompagnement tant des professionnels que des patients et leurs aidants est très important. Au niveau des patients, on remarque que tous ne sont pas égaux face à la compréhension de la complexité de leur propre parcours. Certaines associations ont d’ailleurs formé des référents de parcours complexes pour aider leurs adhérents à s’y retrouver dans cette complexité.

De même, au niveau des professionnels, le même besoin d’accompagnement émerge afin de mieux interagir. Un médecin généraliste n’a pas forcément les connaissances de terrain nécessaires sur son territoire pour bâtir un parcours de soins pour ses patients. Plusieurs dispositifs existent : les dispositifs d’appui à la coordination (DAC) qui regroupent les coordinations territoriales d’appui (CTA), les centres locaux d’information et de coordination (CLIC), les méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (MAIA), les plateformes territoriales d’appui et les réseaux de santé. La connaissance de ces organisations qui sont là normalement pour aider et soutenir la population est très faible. Ce manque de visibilité est problématique au regard de la complexité de la mise en place d’une aide à domicile ou d’une prise en charge après une hospitalisation d’une personne âgée par exemple. Les coordinations elles-mêmes sont très hétérogènes. Certaines organisations sont très performantes, d’autres se contentent de distribuer des flyers.

L’arrivée de l’espace numérique en santé et en particulier du e-parcours seront certainement des outils de coordination complémentaires et très utiles pour améliorer la coordination des différents acteurs auprès du patient, qui de même sera mieux armé et actif dans l’organisation de son propre parcours. Mais ce ne seront que des outils, c’est à nous tous d’œuvrer (patients, aidants, représentants, professionnels, structures, financeurs) à construire des parcours qui prennent en compte la personne dans toute sa globalité.

Propos recueillis lors du Congrès des représentants des usagers de la FHP-MCO le 23 septembre 2021