La mucoviscidose est l’une des plus fréquentes maladies génétiques héréditaires. Dans les années 60, l’espérance de vie des enfants atteints n’était que de 7 ans. Aujourd’hui, elle avoisine les 40 à 50 ans. Encore bien trop peu naturellement, d’autant qu’ils sont bien nombreux à ne pas atteindre cet âge. Depuis l’identification du gène en cause, il y a 30 ans, les progrès ont été impressionnants et aujourd’hui, l’espoir est plus grand que jamais.
Une maladie très ancienne
La mutation génétique à l’origine de la maladie semble être apparue au Proche-Orient il y a plusieurs millénaires, avant de se propager vers l’ouest au sein des populations caucasiennes. Au Moyen Âge, l’enfant dont le front laisse sur les lèvres un goût salé est réputé être ensorcelé et mourra bientôt. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que des cas familiaux associant maladie pulmonaire, diarrhée graisseuse et anomalie pancréatique attirent l’attention des scientifiques. En 1936, la maladie est décrite pour la première fois sous le nom de « fibrose kystique du pancréas et bronchectasie », mais on la prend pour une forme de maladie cœliaque. Le terme de mucoviscidosis, créé à partir des termes « mucus » et « visqueux », est utilisé pour la première fois en 1943. Dix ans plus tard, l’identification d’anomalies électrolytiques dans la sueur des malades permet d’envisager un diagnostic spécifique à la maladie : le « test de la sueur » qui reste jusqu’à ce jour le test le plus fiable pour établir le diagnostic, en dehors de l’analyse génétique qui ne fut disponible que bien plus tard.
Au début des années 1980, le lien physiopathologique est fait entre l’anomalie de la sécrétion de mucus et l’anomalie de la sueur, faisant la relation entre les poumons, le pancréas et les glandes sudoripares. En 1989, l’anomalie génétique à l’origine de la maladie est enfin découverte : une mutation du gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Regulator), codant pour la protéine du même nom.
Une anomalie génétique du mucus
L’altération de cette protéine CFTR, chargée d’assurer la fluidité du mucus, est ainsi à l’origine de la maladie. En effet, l’organisme sécrète normalement du mucus grâce aux cellules de revêtement des organes creux – comme les bronches, le tube digestif, les canaux du pancréas ou les canaux biliaires du foie. Dans la mucoviscidose, le mucus est anormalement épais, collant, visqueux. Les canaux vont se boucher au niveau des organes concernés avec notamment une accumulation dans les voies respiratoires et digestives. Les bronches s’encombrent et s’infectent, provoquant toux et expectoration. Les voies et canaux digestifs (intestin, pancréas, foie) s’obstruent, provoquant des troubles digestifs et hépatiques.
La maladie est dite autosomique et récessive : elle ne s’exprime que chez les personnes qui portent deux copies du gène CFTR muté. Les personnes ne portant qu’une seule copie (environ 2 millions en France) ne sont pas malades, mais peuvent transmettre la maladie à leurs enfants si l’autre parent est également porteur. On estime le nombre de malades en France à 6000, avec environ 200 naissances de bébés atteints chaque année. Un dépistage systématique est pratiqué dans toutes les maternités de France depuis 2002.
Il existe en fait de nombreuses mutations de ce gène, expliquant les différences de symptomatologie constatées chez les différents patients.
Des manifestations respiratoires mais aussi digestives
La mucoviscidose se manifeste souvent dès la naissance ou les premiers mois de vie. L’épaississement du mucus entraîne une diminution de la fonction respiratoire, conduisant progressivement à une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) puis, à terme, à une insuffisance respiratoire.
85% des patients touchés par la mucoviscidose ont une atteinte du pancréas (fibrose puis insuffisance pancréatique), liée à l’hyperviscosité des sécrétions pancréatiques. Un défaut de sécrétion d’insuline peut conduire au développement d’un diabète. Les patients atteints de mucoviscidose souffrent également d’une malabsorption des graisses (déficience en enzymes pancréatiques), et parfois des nutriments et des vitamines. Sont fréquentes également stases (arrêt du transit), alternances diarrhées/constipation, douleurs abdominales, voire une atteinte du foie ou des voies biliaires.
L’avènement du traitement symptomatique
Le traitement proposé depuis les années 80 et qui a permis de remarquables progrès dans l’espérance de vie des patients, repose sur un ensemble de soins préventifs et symptomatiques prodigués dès le plus jeune âge, avec une prise en charge dans des centres spécialisés. Mais ce traitement est extraordinairement contraignant : presque deux heures par jour en moyenne, au très long cours. L’objectif est d’améliorer la clairance mucociliaire et de réduire l’infection bactérienne pulmonaire. La kinésithérapie respiratoire, l’antibiothérapie, les bronchodilatateurs, les anti-inflammatoires et les fluidifiants sont utilisés. Pour les manifestations digestives, des traitements anti-inflammatoires, des extraits pancréatiques, des vitamines et supplémentations caloriques sont également prescrits. La greffe pulmonaire ou cœur-poumon est possible en dernier recours.
Place aux modulateurs
La thérapie génique est la première idée à avoir été explorée pour parvenir au traitement de la mucoviscidose : introduire un vecteur viral modifié portant un gène CFTR fonctionnel dans les cellules souches pulmonaires du patient. Mais les essais cliniques ont été décevants jusqu’à présent. D’autres approches voisines sont actuellement examinées, mais toujours à l’état expérimental.
C’est en fait une autre voie de recherche, pharmacologique, qui a réellement fait bouger les lignes depuis une dizaine d’années : celle qui permet de pallier les défauts de fonctionnalité de la protéine. De petites molécules, dites « modulatrices », ont été développées, capables de restaurer une fonction de la protéine CFTR suffisante pour empêcher d’avoir un mucus respiratoire anormal. Restaurer chez les patients une activité de protéine CFTR de 25 à 30 % de la valeur normale pourrait suffire à éviter la cascade d’évènements respiratoires délétères. Le premier modulateur de CFTR est apparu en 2012. Il a reçu une autorisation européenne de mise sur le marché dans la mucoviscidose associée à un certain type de mutations rares, dites de classe 3. Malgré ses résultats impressionnants, il ne convenait qu’à très peu de patients. L’idée actuelle est que ce sont des combinaisons de modulateurs qui apporteront à la plupart des génotypes CFTR une première solution efficace. Et justement, très récemment, une association de 3 molécules modulatrices a démontré une excellente efficacité chez les patients porteurs de la mutation la plus fréquemment retrouvée (F508del) sur la réduction du chlore sudoral, l’amélioration de la fonction respiratoire (VEMS), la diminution des exacerbations pulmonaires annuelles et la consommation d’antibiotiques. Cette association vient d’obtenir une autorisation de mise sur le marché en France.
C’est un formidable espoir pour de nombreuses personnes souffrant de mucoviscidose, même si, malheureusement, 10 à 15% des malades, porteurs d’une mutation rare, ne répondent pas à ces médicaments.
Sources
- https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/mucoviscidose
- futura-sciences.com/sante/dossiers/medecine-mucoviscidose-295/page/2/#:~:text=Une%20étude%20situe%20l’origine,du%20Nord%2C%20l’Australie
- https://www.louvainmedical.be/fr/article/mucoviscidose-le-tournant-des-modulateurs
- https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Mucoviscidose-page-2.html
- https://www.vaincrelamuco.org/vivre-avec/la-mucoviscidose?gclid=EAIaIQobChMItJHP3Yed9AIVPxoGAB0miAO0EAAYAyAAEgI8m_
- https://www.inserm.fr/dossier/mucoviscidose/
- https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2021/10/21.10.5-PCRA-Mucoviscidose- derniere-version.pdf