1,2, 3 Questions – Hans Martens

Hans Martens, expert en santé européenne et auteur du Factbook 2021 de l’Union européenne de l’hospitalisation privée (UEHP)

L’UEHP a publié le 1er décembre 2021 la deuxième édition de son Factbook, Creating Resilient and Sustainable Healthcare in Europe (Créer un système de santé résilient et durable en Europe). Quelle est la place du secteur de l’hospitalisation privée en Europe aujourd’hui ?

L’analyse publiée dans la deuxième édition du Factbook de l’UEHP montre que la part des secteurs de l’hospitalisation public et privé en Europe varie fortement selon les États membres. Les hôpitaux publics détiennent 60,8 % des lits, ceux à but lucratif 21,6 %, et ceux à but non-lucratif 17,6 % (1). De 2010 à 2018, le nombre global de lits d’hôpitaux a diminué de 5 %, alors que la diminution dans le secteur privé n’a été que de 1 %. Par conséquent, la part des lits privés a augmenté d’environ 4,15 % au cours de la même période. L’avenir du secteur des soins de santé doit inclure les hôpitaux privés, qui sont le seul secteur de soins de santé en croissance dans l’UE.

Les gouvernements nationaux ont tendance à faire une analyse restrictive des efforts accomplis, se concentrant souvent plus sur les plans publics que sur la participation du secteur privé. Si la résilience et l’égalité d’accès sont les objectifs à atteindre, les pouvoirs publics doivent prendre en compte tous les prestataires. Le secteur privé quant à lui doit s’évertuer à trouver sa place dans l’évolution du monde hospitalier, régi par des besoins grandissants dans les domaines des diagnostics précoces, des unités de soins de jour et des prises en charge ambulatoires, comme l’a montré la dernière décennie.

Avec la pandémie, la question de la résilience est devenue centrale dans le débat sur le développement futur des systèmes de santé. Dans quel sens ?

La résilience est devenue le nouveau sujet de discussion sur les systèmes de santé. Pour moi, elle est synonyme de robustesse, mais aussi de flexibilité et de capacité à mobiliser les ressources lorsque nous en avons besoin. Le concept de résilience va bien au-delà du concept d’efficacité. Dans certains pays – principalement ceux dotés de systèmes de santé nationaux comprenant uniquement (ou en grande partie) des hôpitaux publics – l’efficacité économique traditionnelle est élevée car les systèmes hospitaliers sont conçus pour faire face à des situations normales et prévisibles avec peu ou pas de capacités supplémentaires, afin de limiter les dépenses publiques. Ces systèmes prévoient souvent des durées de séjour courtes et utilisent les temps d’attente comme tampon, de sorte que si, pour une raison quelconque, le nombre de patients augmente, les temps d’attente s’allongent. En cas d’événement inattendu comme la pandémie de Covid, ces systèmes ne sont pas résilients.

Pendant la pandémie, surtout au début, les hôpitaux privés en Europe n’ont pas été utilisés de manière optimale pour traiter les patients atteints du Covid ou pour prendre en charge les autres malades, dont les diagnostics et les traitements ont souvent été reportés. Mais au bout du compte, l’épidémie a montré que les pays qui ont mis en place des partenariats public-privé disposent de ressources supplémentaires sur lesquelles ils ont pu compter, notamment lors des pics de la pandémie. Ainsi, la résilience future des systèmes de santé dépend des solutions hautement qualitatives mises en place et qui permettent d’utiliser de manière optimale les ressources à disposition dans les secteurs hospitaliers public et privé.

Quelles sont les clés pour créer un système de santé résilient et durable en Europe ?

Je voudrais mentionner quelques conclusions énumérées dans le Factbook. Dans un premier temps, il est important d’intégrer le principe que les dépenses de santé doivent être considérées comme un investissement et non comme un coût. Cela implique de reconnaître et de mesurer la valeur économique créée par le maintien de la population en bonne santé, ce qui nécessite un secteur de la santé responsable, axé sur l’efficience et la lutte contre les dépenses inutiles.

La pandémie a démontré la nécessité d’avoir des politiques publiques plus efficaces à l’égard de tous les acteurs de la santé – publics et privés – de même l’importance de la cohabitation des deux secteurs pour créer des systèmes de santé plus résilients et mieux intégrés.

Au niveau européen, l’importance des coopérations transfrontalières a été visible par exemple avec le renforcement des collaborations et partenariats qui ont permis le développement de vaccins dans un laps de temps extrêmement court. D’autres thèmes également essentiels sont les échanges de bonnes pratiques et de données entre les pays européens pour faciliter les services de santé transfrontaliers, en particulier dans les situations de crise, de même la numérisation et le développement durable, car les hôpitaux du futur se doivent d’être exemplaires sur les questions environnementales.

Dans l’ensemble, les politiques européennes devraient aider les systèmes de santé à renforcer leurs actions de prévention des maladies, en améliorer le diagnostic et les prises en charge, afin de créer de la valeur et d’optimiser le service rendu aux patients et à la société, aussi en évitant des actes et hospitalisations superflus.

La dernière partie du Factbook est consacrée au cancer, en soutien du Plan européen contre le cancer (Europe Beating Cancer Plan). Intitulé « Cohésion européenne dans la lutte contre le cancer », ce chapitre met l’accent sur une stratégie d’investissement à impact positif pour lutter contre le cancer en Europe, impliquant le secteur hospitalier privé, afin de réduire les inégalités face à ce fléau de santé publique, priorité européenne du plan EU4HEALTH.

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(1) Données Eurostat 2018, hors Irlande, Luxembourg et Suède, données non disponibles dans ces États membres.