Pr Jean-Michel Constantin, chef du service de réanimation chirurgicale et polyvalente à l’Hôpital Universitaire Pitié-Salpêtrière, secrétaire général de la SFAR (Société Française d’Anesthésie et de Réanimation)
La SFAR mène depuis plusieurs années une réflexion sur la parité dans ses instances, quels ont été les éléments déclencheurs ?
La question de la parité nous préoccupe depuis 6 ou 7 ans. Nous avions alors calculé la part des hommes et des femmes dans les différents comités et le conseil d’administration de la SFAR et constaté que nous atteignions péniblement 25 % de femmes !
Notre première action en 2017 a consisté à communiquer sur ce résultat préoccupant en invitant les médecins anesthésistes femmes et infirmières IADE-IDE à nous rejoindre et participer. De 25 %, nous sommes rapidement passés à 38 %, une représentativité plus en phase avec la démographie actuelle dans les services d’anesthésie et réanimation en France, qui est de l’ordre de 40 % de femmes et 60 % d’hommes. Dans la tranche des médecins de moins de 40 ans, c’est même 50/50. Mais parce que cette progression avait tendance à stagner, nous avons lancé en janvier 2022 l’appel « donner des ELLES à la SFAR », ainsi qu’une charte de fonctionnement annonçant notre volonté d’atteindre peu à peu la parité.
Nous souhaitons mener les choses de manière très proactive, sans imposer de quotas qui peuvent être stigmatisants, mais en gardant le cap 50/50. Actuellement, le comité Réanimation, historiquement très masculin, est désormais dirigé par une femme. Le pilotage du comité IDE de réanimation qui était présidé par un médecin homme a été repris par une infirmière cadre de réanimation, qui a choisi son équipe. Cela peut paraître anodin, mais pour une société historiquement assez patriarcale, cela fait partie des symboles.
L’idée est de favoriser la participation des femmes dans les différentes instances de la SFAR, mais également dans ses congrès, de manière à équilibrer les genres des intervenants et modérateurs. Notre prochain congrès de septembre 2022 devrait être plus représentatif.
La parité est-elle donc aussi une question d’attractivité de la profession ?
Oui, tout à fait. Nos actions en faveur de la parité auront nous l’espérons une répercussion positive sur l’évolution de notre discipline toute entière, qui s’est largement féminisée. Notre congrès annuel est la vitrine de notre spécialité et souvent la porte d’entrée pour des jeunes internes. Nous souhaitons leur donner envie de choisir l’anesthésie réanimation et encourager les jeunes femmes médecins à occuper des positions et candidater à des postes à responsabilité. Cela se fera plus rapidement si elles ont, dès le départ, des modèles féminins qui les inspirent. La Conseil national des universités, à l’instar de la SFAR, mène à son tour une politique proactive pour nommer des maîtres de conférences et des professeurs femmes. Actuellement, les professeurs d’université – praticiens hospitaliers (PU-PH) sont encore en grande majorité des hommes (78 %). Collégialement, nous souhaitons que cela évolue.
Le plafond de verre existe-t-il toujours ?
Même dans une profession où le niveau d’études et les compétences sont élevés, le plafond de verre semble être toujours bien présent. Certaines femmes s’autocensurent également sur leurs possibilités, alors qu’elles ont les mêmes diplômes que leurs homologues masculins. Nous le remarquons lorsque nous essayons de recruter. Pour les postes de professeurs d’université, cela reste difficile pour les femmes, mais c’est aussi le cas pour les hommes. Une chose est certaine, il faut impulser le changement pour que les femmes puissent prendre toute leur place dans notre profession. La SFAR, en tant qu’organisme représentatif et ouvert sur son écosystème, souhaite apporter sa pierre à l’édifice.